Les commencements de la communauté chrétienne
Nous sommes littéralement saturés de visuel. Le merveilleux
nous habite. Souvent trompés ou envahis par la multitude d’informations
plus ou moins exactes, nous éprouvons de grandes difficultés à croire
au merveilleux et à ce que nous ne voyons pas. Nous serions, paraît-il,
plutôt allergiques aux récits de visions d’apparitions.
Et ce, même si nous savons que la foi chrétienne ne repose pas
sur les apparitions du ressuscité et que la foi qui est la nôtre
est avant tout un don de l’Esprit reçue au jour pascal de notre
baptême. Allergiques ou pas aux visions et d’apparitions, voici
que ce midi nous sommes aux prises avec deux cas d’apparitions. Deux
en l’espace de huit jours Le même Jésus mort et re-vivant
vient visiter ses amis, deux fois de suite.
Ce qui nous est proposé de croire aujourd’hui est au-delà de
nos récits habituels lus ou télévisés. Il s’agit
ni plus ni moins de la Nouvelle Alliance du ciel et de la terre, de Dieu
et de son humanité. Le Nouvel Agneau. agneau immolé, le voici :
c’est lui Jésus de Nazareth immolé, crucifié même,
mort… On le revoit, le même, mais visuellement autre. Voilà ce
que nous a raconté ce midi à sa manière la jeune communauté apostolique
vivant avec et autour de Jean dit l’Évangéliste.
La vie des premiers croyants, on s’en doute, ne fut pas facile. Les
premiers disciples de Jésus ont été, dès les
commencements, persécutés, jalousés, chassés
des synagogues. Ils ont peur. Quand ils se réunissent, ils verrouillent
les portes… Ils prient tout en se partageant avec émotion
les derniers souvenirs à propos de Jésus.
Parmi ces souvenirs, selon Jean qui les raconte, il y a ce premier moment
où tout à coup Jésus est au milieu d’eux : C’est
moi! Pourtant les portes sont fermées. Joie. Stupeur. Thomas
qui n’est pas là, éprouve de la difficulté à croire
tout ce qu’on raconte à propos de Jésus.
Huit jours après, Jésus encore. Mystérieusement mobile,
fluide, transparent. Cette fois, Thomas est là. L’occasion pour
Jésus d’une mise au point : « Mieux vaut croire
sans voir ». Et nous voilà, nous ici à Saint-Albert,
portes ouvertes, après deux mille ans et plus déjà.
Nous aussi en assemblée de prières et de souvenirs. Jésus
revient à nous. Mystère d’une présence incarnée
selon des rites acquis. Et Il reviendra encore, c’est promis, à la
fin des temps.
Pour obéir aux lectures entendues ce midi trois réflexions
s’imposent à nous, dont voici la première.
- Nous sommes en assemblée, nous aussi. En son nom de même
Seigneur à nous souvenir. Ce que les premières communautés
ont réalisé, nous essayons de le vivre. Non pour imiter ou
répéter, mais pour actualiser. Une fois la semaine, ici,
nous sommes à communier au même Seigneur, à l’écouter, à nous
aimer. Par exemple, nous avons relu le récit chaleureux des Actes
des Apôtres : « Dès les premiers
jours de l’Église, les frères étaient à écouter
l’enseignement des Apôtres et à vivre en communion fraternelle, à rompre
le pain et à participer aux prières… Ils allaient
fidèlement au Temple, rompaient le pain dans leurs maisons, prenaient
leurs repas avec allégresse et simplicité. Ils louaient Dieu…,
(Actes… 2, 42, 46). Cette fidélité à l’assemblée
dominicale qui est la nôtre depuis 1970, est belle à dire
et à vivre.
- Une seconde réflexion survient quand nous lisons à propos
de l’Esprit Saint promis par Jésus aux siens le soir du célèbre
repas d’adieu : « …Ayant parlé, il
répandit sur eux son souffle et il leur dit : recevez l’Esprit
saint… » Nous aussi en assemblée nous vivons à notre
manière cette présence de l’Esprit promis à toute
communauté de bonne volonté : esprit de paix, esprit
de partage.
Voilà peut-être ce qui explique le dynamisme propre à cette
communauté Saint-Albert. Nous estimons, nous croyons que l’Esprit
du Seigneur passe encore en église. Même s’il arrive que
les portes soient fermées. Les croyants en Jésus Ressuscité et à son
Esprit savent depuis longtemps que l’esprit de liberté agit
en assemblée à sa manière, une manière parfois
imprévue, et même en marge des normes reçues.
- Une troisième réflexion. A propos des doutes de Thomas
l’apôtre. Quelle bonté et quelle compréhension
de la part de Jésus! Voilà qui nous rappelle à nous
de la culture contemporaine les divers chemins possibles de la foi dans
nos comportements humains; il y aura toujours dans nos échanges
de la place au doute, à l’interrogation, à la discussion, à la
recherche intérieure sous toutes ses formes. Sans jamais oublier
qu’en ces temps de soupçons et de doutes, croire est difficile.
Comme Thomas et sans fausse honte, nous avons, nous aussi, besoin d’aide,
de vérifier les preuves et d’être encouragé dans
notre acte de croire. L’aide du Christ nous est promis. A nous de
l’invoquer, de lui faire confiance. Ce que fit Thomas après
tant de doutes.
Un ultime détail avant de terminer. Encore à propos des origines
de nos assemblées dominicales. Qui dit assemblée, se traduit
en latin ecclésia (église). Or nous nous souvenons
que cette église a bien mal commencé. Ce fut d’abord
la mort tragique du fondateur, Jésus de Nazareth; ce fut ensuite la
rencontre face à un tombeau vide, un tombeau emprunté; ce furent
enfin les premières réunions clandestines, portes verrouillées.
Voilà qui n’est pas très épiphanique!
Puis, nous avons fait un bon bout de chemin. Il demeure dans l’information
officielle beaucoup de soupçons, beaucoup de portes verrouillées.
Mais Lui il est là comme debout au milieu de nous, vivant, nous promettant
l’ESPRIT et attentif à toute bonne volonté. Voilà la
raison pour laquelle nous lui disons à la manière de Thomas
l’homme des doutes : « Mon Seigneur et Mon Dieu. Tu
as des paroles de vie éternelle » (Jean 3,6)
Question de nous aider… écoutons paisiblement la musique bienfaisante
de : Bien aimé Jésus, nous sommes ici, (choral de Bach).