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3e Dimanche du Carême (A)

24 février 2008

Assoiffés de vérité
La rencontre avec la Samaritaine

Denis Tesson

Denis Tesson
Jean 4, 5-42

C’était la plus improbable des rencontres.

Un puits sur la route, un point d’eau dans le désert, une pause au pays de la soif… C’est le puits de Jacob, un des lieux de la mémoire, mémoire de la vieille alliance entre Dieu et son peuple.

C’est la sixième heure, c’est-à-dire midi, au plus chaud de la journée. Les femmes du village ont l’habitude de se rendre au puits tôt le matin, et elles en profitent pour bavarder. Cette Samaritaine-ci, négligente ou plus probablement mise à l’écart, vient au puits en pleine chaleur et malgré la présence d’un homme, un étranger.Le Christ et la Samaritaine

C’est la sixième heure, et il fait soif. Marchant depuis le matin, un homme jeune s’est accoudé à la margelle du puits. Le soleil est à son zénith et, pour quelques minutes encore, éclaire le fonds du puits et joue avec l’ombre de Jésus. La route du retour en Galilée est longue, le pays qu’il traverse inhospitalier. C’est le temps de l’hésitation, de la torpeur. Rien pour puiser et il fait soif.

L’étrange dialogue de cette rencontre improbable est à l’évidence chargé de symboles que le fossé des cultures et du temps nous masquent en grande partie, mais j’en retiens que Jésus se sent assez en confiance pour dire, lui aussi, sa vérité : Le Messie, celui qu’on appelle Christ, moi qui te parle, je le suis… Jésus qui d’habitude esquive, est amené, de badinage en questions théologique, à cet immense aveu libérateur : ‘je le suis’… Il aura besoin de 2 jours de repos pour s’en remettre.

C’était la plus improbable des rencontres, mais Jésus avait besoin de l’autre, de la toute autre, pour faire lui aussi éclater sa vérité.


C’était une rencontre de deux soifs :

Soif de Jésus de faire connaître son Père, soif d’être reconnu, désir que le Royaume se réalise, que les fausses croyances s’écroulent, que la religion ne soit pas un obstacle à la rencontre de Dieu.

Soif de la Samaritaine, qui ose risquer la rencontre de l’autre car elle est au fond à la recherche d’elle-même. Désir d’affirmation de soi — n’a-t-elle pas déjà congédié 5 époux, 5 maîtres — Désir d’égalité, recherche spirituelle aussi. Tout cela emmêlé.

En réponse à ces soifs, Jésus dit à la Samaritaine : si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit ‘donne-moi à boire’ tu lui aurais demandé et il t’aurait donné de l’eau vive.

Il y a une dizaine de jours, nous étions quelques-uns, surtout quelques-unes en fait, réuni(e)s pour préparer l’homélie et j’avais du mal à faire dire ce que représentait l’eau vive pour nous aujourd’hui. La réunion finie, chacun partant de son côté préparer le souper, M. me disait qu’elle allait rejoindre une femme, qu’elle avait accueillie chez elle, et qui était emmurée dans sa paranoïa. C. de son côté, évoquait la jeune fille qu’elle préparait au baptême et qui, peut-être, attendrait encore un peu.

C’est alors que m’est revenu le second énoncé de Jésus à propos de l’eau vive : ‘tu m’aurais demandé de l’eau et j’aurais fait jaillir en toi l’eau vive’.

Il m’a semblé que, en évoquant leurs soucis, ces femmes de notre Communauté me parlaient enfin du sujet de l’Évangile : les soifs, les désirs de vérité et de libération, les sources d’eau vive, bloquées, encombrées de pierres, empêchées de jaillir. Suite à des rencontres de hasard, elles avaient entendu la demande « J’ai soif ».

Elles s’étaient simplement rendues disponibles pour offrir l’eau, pour permettre à l’autre de devenir source jaillissante d’une vie en plénitude. C’est assez proche de l’expérience de Moïse frappant le rocher pour libérer la source.


Libérer l’eau vive… Soyons réalistes! Dans les faits, et la plupart du temps, nous ne réussissons ni à guérir, ni à transmettre la foi, ni à faire la vérité en nous. La peur, le mal et la souffrance demeurent les plus forts. En particulier, chez ceux que nous aimons le plus, pour qui nous croyons déployer une générosité inépuisable, nos efforts demeurent vains.

Je m’efforce de penser que ces échecs, cette souffrance et ce sentiment d’épuisement pourraient être à la fois une erreur d’appréciation et un manque de confiance :

Un erreur d’appréciation : c’est un échec parce que les résultats attendus ne sont pas atteints… les résultats désirés par nous; Or que connaissons-nous des désirs profonds de l’autre? Sommes-nous vraiment à son écoute ou voulons-nous la changer? Et quand nous entendons les besoins spirituels de l’autre, voulons-nous la convertir ou laisser Dieu lui parler?

Un manque de confiance dans les autres : Ce rocher derrière lequel murmure la source, ce rocher qui résiste à nos coups de pioche, ce sera peut-être le grattement d’ongle d’une toute autre, un peu ailleurs, qui saura libérer l’eau vive. Une autre témoignera.

Un manque de confiance dans l’Esprit : sous l’épaisseur de cendres de nos échecs, la braise couve encore et un courant d’air saurait peut-être ranimer le feu, faire éclater la vérité, si nous ouvrions une porte, la nôtre (?) pour que l’Esprit s’engouffre.


‘Où faut-il adorer Dieu?’ demande la Samaritaine. Ni sur la montagne, ni dans le Temple dit Jésus… ni dans cette église. Comme nous disons aux enfants, ce n’est pas ‘la maison de Jésus’ mais la ‘maison des amis de Jésus’.

Le Christ, nous le rencontrons en chaque personne avec laquelle, en vérité, nous évoquons ensemble nos soifs. Le Christ, il est ailleurs, dans les personnes, les lieux et les moments les plus surprenants, alors que nous sommes, sans bagage ni défense, à risque et à nu.

Ici, le dimanche à 11h00, c’est autre chose. C’est le temps de la halte. C’est le lieu de mémoire de l’Alliance renouvelée en Jésus. C’est la célébration de notre espérance commune et le resourcement de ses disciples.

… disciples qui aimerions pouvoir nous dire les uns aux autres, comme les villageois de Samarie : ‘ce n’est pas à cause des témoignages que nous croyons : le Christ nous l’avons vraiment rencontré et c’est Lui, l’avenir du monde.’

 


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