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1er Dimanche du Carême A

10 février 2008

Guy Lapointe

Guy Lapointe
Gen. 2, 3-7


Matt. 4, 1-11


                                                                                    

Au commencement était la tentation…

 

Deux paysages bien différents : un jardin de Genèse et un désert d’Évangile. Une mise en scène à peu près semblable. J’ai envie de dire : au commencement était la tentation.

« Jésus est conduit au désert par l’Esprit pour y être tenté par le démon ». Le désert, un endroit à la fois si rude et si beau, où se répondent deux voix, celle de Jésus et celle du Satan. Trois questions sur lui-même qui sont aussi des questions sur Dieu. Si tu es fils de Dieu, es-tu capable de changer ces pierres en pains? Es-tu capable de te jeter en bas, de réussir le saut sans te faire mal? Acceptes-tu de te faire adorer par tous ces royaumes que tu vois? Un bien drôle de jeu! Jésus tient bon.Le Christ au désert

 Le premier récit, celui  de la Genèse, met en scène Dieu, Adam et Ève et un serpent, le tentateur. Non pas dans le désert cette fois-ci, mais dans un jardin plein d’arbres de toutes sortes. L’arbre défendu est attirant : « Vous serez comme des dieux » Adam et Ève succombent. Ils en mangèrent… « Et ils connurent qu’ils étaient nus ». À la fois la beauté et l’indécence de la nudité, la transparence et les risques qu’elle recèle. Et c’est là que commence pour eux, le combat pour la vie jusqu’à traverser la mort. Adam et Ève, dans leur nudité, sont renvoyés à leurs propres responsabilités de nouer un nouveau type de relations avec eux-mêmes et avec Dieu. Au commencement était la tentation. Pour eux, comme pour Jésus, c’est l’image de Dieu qui est en question et leur propre image. Jésus, tout comme Adam et Ève, ont eu à se poser des questions sur Dieu et sur eux. Un Dieu puissant ou un Dieu qui nous renvoie à notre propre responsabilité?

En vieillissant, il nous arrive de nous poser la question : « Qu’ai-je fait de ma vie? » Dans le récit de la tentation, Jésus s’interroge : « Que vais-je faire de ma vie? » Comment construire son existence pour la réussir? Bien des moyens sont à notre disposition. Pour Jésus, le désert apparaît le lieu et le temps de la question; lieu pour éprouver la liberté de partir à neuf. C’est une mise à l’épreuve. Écoute ma voix, dit Satan (Chouraqui a traduit l’Éprouvant); écoute la parole de Dieu, dit Jésus. Il a senti qu’il était nécessaire de se mettre au clair avec lui-même. Pour cela, il faut accepter la solitude. Jésus va au désert pour se retrouver lui-même face à Dieu. Le désert est de l’ordre de l’intériorité. Seul celui ou celle qui s’est confronté à lui-même peut avoir le courage de la vérité. C’est l’Esprit qui conduit Jésus au désert; on ne choisit pas soi-même le temps et le lieu. Il y a comme une nécessité intérieure. Nous en avons tous l’expérience une fois ou l’autre dans notre vie quand on sent que le feu s’éteint sous la cendre. Le désert comme le jardin de la Genèse, n’est-ce pas retourner au creux de son existence.

En somme, pour Jésus, la rencontre avec le Tentateur, c’est de décider de Dieu. Qui est le vrai Dieu? Pour reprendre Satan : si tu es Dieu, sois efficace : de ces pierres, fais du pain en abondance, la magie… De quel Dieu s’agit-il? Tel est l’enjeu de cette scène des tentations au désert. Jésus ne s’est pas servi de Dieu. Dieu n’est pas un rival. Jésus s’est interrogé sur certaines images de Dieu qu’on véhiculait dans sa tradition. Satan représente en gros ces images. Jésus, pour reprendre Maître Ecckart, « a prié Dieu pour qu’il le  déprenne de certaines images de Dieu ». Jésus veut rester un homme libre, sa relation à Dieu n’en sera pas une de puissance et de force, mais une relation de confiance dans les humains, lesquels aux meilleurs moments de leur vie peuvent partager le pain, ne pas se donner en spectacle : « jette-toi en bas »; ne pas faire le jeu de l’adoration; « tous ces royaumes, je te les donnerai, si tu te prosternes pour m’adorer ». De Jésus et de Satan se joue la profondeur et le sens même de la vie et de Dieu.

St-Exupéry, qui a connu le désert et les grands espaces, se posait la question : « Qu’est-ce que le désert? » Et il répondait : « C’est l’espace où l’âme s’envole! » Au désert, on marche, on se sent petit, on fait silence. Le désert nous met en face de nous-mêmes, de Dieu, en face de l’incertitude aussi : la route à suivre, la soif, la fatigue. Mais comment parler de désert à celui ou celle qui vit une séparation, à celui ou celle qui vient d’apprendre qu’il ou elle a un cancer? Pour trouver une source dans ce désert, il faut l’entendre, sortir de soi… y croire.

Le carême n’est-il pas un temps pour réfléchir sur le sens de la vie, sur le sens de Dieu dans nos vies comme Jésus l’a fait; temps pour se remettre en interrogation? Le carême, que ce soit au jardin de la Genèse ou au désert, c’est  un temps plus-que-nécessaire. Le carême est là pour nous inviter à redécouvrir le vrai visage de Dieu, le nôtre, celui des autres. Le sens communautaire de l’expérience de foi, n’est-ce pas ce qui est de plus en plus  en danger dans notre Église?

Le carême. Suis-je encore capable d’entendre la voix de Dieu? Qui suis-je devant Dieu? De quel Dieu s’agit-il? C’est une lourde interrogation. Elle est au cœur de nos vies. Le carême, n’est-ce pas le temps de raviver la flamme sous les cendres. Oui, au commencement était la tentation, moment de nos choix les plus fondamentaux. Adam et Ève s’ouvrent enfin les yeux; ils ont tout à construire. Satan quitte la scène tandis que Jésus retourne sur sa terre de Galilée, Fils de Dieu plus que jamais. Jusqu’à la mort, jusqu’à la vie. Et nous…


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