32e Dimanche DTO C

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11 novembre 2007

Yvon D. Gélinas

Yvon D. Gélinas

Second livre des Martyrs d’Israël 7, 1-2. 9-14
Luc 20, 27-38
   

 

La vie au-delà de la vie

Ils nous font rire et ils nous choquent tout à la fois les saducéens avec leur histoire entortillée de femme aux sept maris. Ils nous amusent parce qu’il font preuve de beaucoup d’imagination. Mais ils nous choquent également parce que cette imagination est mise au service d’un piège pour embêter et confondre celui qu’assez hypocritement ils appellent « Maître ». Ils croient avoir trouvé un bon moyen pour ridiculiser celui qui ose parler de résurrection d’entre les morts malgré tant d’évidences, tant d’expériences de mort qui disent clairement que ce qui compte c’est la vie présente. Oublions les rêves de vie future; vivons correctement, honnêtement, aujourd’hui, ici-bas, semblent-ils penser. Ne soyons pas trop sévères, cependant, trop durs envers ces saducéens. Derrière leur question, derrière la certitude qu’ils affichent, il y a sans aucun doute une réelle inquiétude et comme une résistance, une peur à s’abandonner à une proposition d’un incertain avenir, à une proposition d’espérance qui ne peut s’appuyer sur de l’observable, du tangible.
Et là, nous les rejoignons les saducéens, nous nous retrouvons comme en similitude avec eux. Leur question sur la vie après la vie est aussi celle qui nous habite, que nous arrivons mal, difficilement à formuler intérieurement ou ouvertement. Comment est-ce possible, cette vie de ressuscité? Comment sera-t-elle cette vie au-delà de la vie? Tout cela est tellement loin de notre expérience, tellement en conflit avec tant de propositions des sciences biologiques et physiques.
Jésus ne répond pas directement aux saducéens. Il semble simplement écarter du revers de la main leur vision d’un au-delà qui serait la continuation de la vie présente, mais magnifiée, nettoyée de toutes les ombres et de tous les brouillards. Une vie de délices dans un éden retrouvé. Il répond ailleurs. Et cette réponse de Jésus nous laisse sur notre faim, avec nos incertitudes, nos attentes, nos perplexités.  Soyons cependant bien attentifs aux paroles de Jésus. Elles ne font pas que détourner d’une vision, d’une imagination qui deviendraient facilement grotesques. Elles relancent dans une autre direction, sur une route qui nous est accessible, qui répond mieux à notre dignité. Elles relancent la vie et vers la vie.
Ils sont fils et filles de Dieu ceux et celles qui ont part au monde à venir. Ils ne peuvent plus mourir. Leur Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Peut-être déjà monte en nous comme une espérance qui viendrait du désir le plus profond, le meilleur des désirs de notre cœur : vivre, vraiment vivre, sans ombres, sans la menace de la mortalité. Connaître à jamais cette plénitude dont un éclat fugitif traverse parfois notre expérience la plus riche, la plus intime, la plus heureuse. Expérience d’amour ou d’accomplissement de soi, ou d’instants privilégiés de contact avec la beauté du monde, avec ce qu’il peut y avoir de très bon en ce monde. Le plus profond des désirs de notre cœur : que notre désir de vraie vie ne soit pas vain.
Peut-on en avoir l’assurance de cette espérance? Tout dépend de l’appui qui nous donne de tenir debout. Une image de Dieu. Le Dieu des ancêtres qui ont joué sur lui leur destin. Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob. Un Dieu de fidélité qui n’appelle jamais à la vie pour ensuite laisser tomber. Un Dieu qui tient promesse, qui de la mort fait surgir la vie. Comme il l’a montré en son fils Jésus. Comme il nous le montre en tant d’expériences de mortalité qui se révèlent ensuite être comme des tremplins sur lesquels prendre élan pour mieux replonger en pleine vie. Un appui qui vient de la foi. Qui, à bien des jours, n’empêche pas, ne peut empêcher l’inquiétude. Mais si cette inquiétude, même ce doute étaient eux-mêmes appui et tremplin?
On pourrait se référer au témoignage de ces sept frères dont la première lecture de ce dimanche nous a dit le martyre et la certitude que Dieu garde en vie éternelle ceux qui meurent en dialogue de confiance et de fidélité avec lui. Mais cet exemple semble trop loin de nous pour être bien utile. Une autre parole de Jésus nous est plus satisfaisante, plus utile. Tous vivent pour lui, pour Dieu. Et l’on comprend : ceux et celles qui ont vécu pour Dieu en ces jours de cette terre, vivent toujours et encore pour Dieu quand ils ont traversé les frontières de la vie présente.
Vivre pour lui – et par lui – c’est comme un pont posé entre notre vie d’aujourd’hui et celle que nous pouvons espérer pour demain. Vivre pour lui et par lui, c’est déjà maintenant. Vivre pour lui, par lui, quand nous tenons debout face aux vents contraires, dans les coups durs, dans les épreuves. Quand nous tenons debout en des programmes d’honnêteté et de dignité de vie, en des projets qui font entrer un peu de lumière de connaissances, de beautés en notre monde. Quand nous recherchons la justice et la paix. Chaque fois que nous sommes plus humains. Nous vivrons pour lui et par lui, debout en sa présence, alors que la clarté de son visage, l’éclat de son bonheur et de sa joie rejaillirons sur nos propres visages. En cela nous serons semblables aux anges sans pour autant changer de condition, mais dans la pleine grandeur de ce qu’il a voulu pour nous.
Il nous faut demeurer bien humbles dans nos approches de réponses et nos tâtonnements quand nous demandons : « C’est possible la vie après la vie! C’est comment la vie de ressuscité? » Humbles, comme lui Jésus l’a été quand il a approché cette question de vie qui est pour nous de l’ordre de l’indicible. Nous demeurons humbles, mais confiants. Nous ne taisons pas nos inquiétudes. Nous en faisons comme un dialogue entre nous et le Dieu des vivants. Le Dieu des promesses. Nous ne nous abandonnons pas sans réserves à l’angoisse et à l’obscurité d’un monde qui semble souvent, que l’on dit souvent sans avenir. Nous vivons. Nous gardons et cultivons ce goût de la vie qui nous vient de la Parole prononcée par Dieu à l’origine d’un dialogue dans lequel nous sommes protagonistes. Pourquoi serait-elle vaine cette parole, pourquoi nous décevrait-il ce Dieu. Pourquoi nous décevrait-il en une espérance qu’il a lui-même fait lever en nous.


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