Jean Baptiste, une voix… À l’entendre, il suscite des interrogations chez toutes sortes de personnes de la société de son temps : « Que devons-nous faire », lui demandent les foules? Est-ce inquiétude ou disponibilité de gens qui découvrent déjà quelque chose de l’Évangile? Entendons : nous sommes tellement encombrés dans nos vies, comment devenir de meilleurs humains? Il est important de découvrir qui nous sommes, de naître, d’agir, de poser des gestes concrets. C’est aussi notre situation. Jean Baptiste répond tout simplement : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage; celui qui a de quoi manger qu’il partage… » On a l’impression d’entendre Jésus : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire… ». Changez votre vie. L’Évangile de proximité!
Chez les dominicains, il y a quelques années, quand on prenait l’habit, on changeait de prénom. Je m’appelais Guy et on me disait d’un ton solennel : « Désormais, vous vous appellerez frère Laurent ». Chez les religieuses, le changement de nom était plus radical. Chez les dominicains, tout comme chez les religieuses, le « désormais » n’a pas duré… Entrer dans la vie religieuse, c’était « quitter le monde »; changer de nom, c’était changer de vie. Et nous voilà confrontés à une spiritualité dangereuse et surtout, à mon humble avis, assez peu évangélique. Dangereuse, car il est impossible de faire fi de son passé et de recommencer tout à zéro comme si une nouvelle vie était offerte. Nous sommes façonnés par notre histoire. Comme nous le révèle l’Évangile de ce jour, à la question des différents groupes : « Que devons-nous faire? » Jean-Baptiste ne leur dit pas de changer de vie. Il leur dit tout simplement ne changez pas de vie, mais changez votre vie, c’est-à-dire, vivez autrement, différemment. Voilà ce à quoi nous sommes appelés par la foi. Telle est l’attente de l’Avent et de la vie : désencombrez votre vie.
L’Évangile nous redit : devenons qui nous sommes à partir de ce que la vie nous a donné. Nous sommes capables de changer, chacune et chacun à son rythme. Apprenons à nous connaître et à prendre conscience de toutes ces richesses qui sont en nous. Ce que vous êtes, découvrez-le; et que cela se traduise dans des gestes qui ressemblent à l’Évangile. Et si nous ne voyons pas nos richesses, espérons que nous rencontrerons sur notre chemin des femmes et des hommes qui nous les feront découvrir en nous posant des questions.
Dans la réponse de Jean-Baptiste, l’Évangile rejoint notre quotidien. Oui, un Évangile de proximité. Que change la venue de Dieu dans notre quotidien? Comment devenir des êtres qui assument leur vie, qui ont des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, des mains pour accueillir et partager? Comment trouver ou retrouver une simplicité volontaire?
Jean Sulivan, ce prêtre, excellent écrivain et un peu rebelle, dans un livre qui vient d’être publié sur son oeuvre: Jean SulivanLibre sous le regard de Dieu (Montréal, Fides, 2006) rappelle que le péché mortel de l’Occident, c’est d’avoir cru et d’avoir laissé croire que l’on pouvait trouver Dieu sans se trouver soi-même. Je pense que la réponse de Jean Baptiste nous renvoie à nous-mêmes dans notre regard sur Dieu. Alors, si Dieu est Dieu et si je deviens qui je suis, la joie pourra nous habiter. À quelque part, rencontrer la joie, comme le bonheur d’ailleurs, c’est une décision que l’on prend.
Que devons-nous faire? Découvrons le goût de changer notre vie. Cela s’acquiert, comme le goût de l’Évangile, comme le goût de Dieu s’acquiert, comme le goût de se retrouver soi-même. Alors, pour reprendre Sophonie, « Dieu dansera pour nous avec des cris de joie » et nous danserons avec Lui, conscients que c’est aussi dans nos fragilités que Dieu nous attend
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