« Voir plus loin, au-delà des
apparences »
Le contexte dans lequel a été vécu l’événement
qu’on nomme la transfiguration de Jésus, était un contexte
d’inquiétude et peut-être même de désespérance.
Pierre, Jacques et Jean n’étaient pas sans se poser des questions :
pourquoi nous être embarqués dans une aventure devenue de moins
en moins prometteuse. Les disciples entendaient des discours qui étaient
peu rassurants, voire bouleversants. Les agissements de Jésus
avaient des manières provocantes, en faveur des pauvres, des malades
et des pécheurs. Ce qui ne plaisait pas aux pouvoirs en
place. Les proches de Jésus ne savaient pas précisément
qui était Jésus. Il n’était sans doute pas
aisé, pour Pierre et les autres, d’interpréter justement
les paroles et les gestes de Jésus comme étant l’exercice
même de sa mission de révéler et réaliser le grand
projet de l’humanité dont il était le porteur le plus crédible.
La lecture évangélique
de ce dimanche fait suite à des
annonces de souffrances que vivront le Messie et ceux qui veulent marcher à sa
suite.
Or, dans l’imbroglio qu’était devenu le
projet d’abord
si attrayant de Jésus, survient un moment de plénitude, de lumière,
de refiguration de la personne de Jésus et d’une certaine authentification
de sa mission inévitablement aux contours difficiles. Une transfiguration,
une beauté, une clarté extérieure et intérieure
dans une perspective d’épreuves et de mort. On pourrait
qualifier cette surprenante expérience spirituelle d’un
voir plus loin au-delà des apparences éprouvantes. Ce
qui a permis de suivre Jésus jusqu’au bout avec des moments de
sommeils qui en disent long sur la perception peu profonde de ce qu’était
Jésus.
La transfiguration, c’est plus qu’un nouveau "look".
C’est
d’abord une paix du cœur. La transfiguration, c’est
un soutien qui vient du Seigneur, c’est une lumière plus forte
que l’inquiétude. Les proches de Jésus ont vécu
cela. Il nous arrive aussi de le vivre. Se savoir aimés,
même si on ne comprend pas tout ce qui se passe. S’entendre
dire d’une manière ou de l’autre "tu comptes beaucoup à mes
yeux; et je t’aime", ce peut être une expérience unique,
une lumière qui traverse l’obscurité. On ne devrait
jamais oublier ces moments privilégiés de nos vies. Un
tel souvenir nous redira une réalité qui perdure, peut-être
sous les cendres, mais des cendres qui cachent des braises en attente de réanimation.
Cette expérience de lumière, de soutien et de regard neuf, il
n’est
pas nécessaire qu’elle dure longtemps. Car il faut redescendre
de la montagne. Mais il y a ceci : on aura intérêt à se
référer à ces moments privilégiés pour en
approfondir le sens et la portée. Pierre, Jacques et Jean ont
compris plus tard ce que voulait dire la résurrection des morts évoquée
lors de la transfiguration du Seigneur sur une haute montagne. Il nous
arrive aussi d’être témoin d’une transfiguration,
d’une refiguration, d’une lumière chez l’autre, de
mon entourage. Il nous est donné d’assister à des
passages significatifs : passage de l’angoisse à la sérénité,
de la colère à la paix, de l’enfermement à l’ouverture.
N’oublions pas d’en rendre grâce.
Le rendez-vous de la tranfiguration de Jésus et de
nos tranfigurations se produit quelque part. Ce peut être sur la montagne.
La montagne, un espace de rendez-vous avec Dieu : Moïse et Élie
rencontrent Dieu sur la montagne : Jésus se retire
souvent dans la montagne. Jésus a rendez-vous avec ses trois amis
Pierre Jacques et Jean sur la montagne de la tranfiguration. Les trois
amis auront aussi rendez-vous sur le mont des Oliviers, car la vie en plénitude
ne peut pas faire l’économie de la souffrance et de la mort. Ces
rendez-vous de lumière peut-être vacillante peuvent nous redire
quelque chose comme ceci : Vois plus loin, au-delà des apparences,
et prends conscience que le moment n’est pas de s’asseoir, mais
de reprendre la route, pour "passer" avec le Maître,
grâce aux rendez-vous de lumière très variables, comme
nous le rappellent nos expériences de transfiguration.