Des pierres vivantes : quel paradoxe!

 « Soyez pleins de sympathie à l’égard des autres…  Pleins de tendresse et de simplicité… Pratiquez l’hospitalité les uns envers les autres… ». Ce sont des attitudes qui font la vie, qui font l’Évangile aussi. Ce passage se veut un appel et un rappel en ce dimanche de la rentrée et des retrouvailles.

 « Approchez-vous du Seigneur Jésus : il est la pierre vivante… » «  Approchez-vous pour que vous aussi comme des pierres vivantes, vous construisiez un temple spirituel… »  L’image est belle, mais elle est intrigante. Elle ne va pas de soi. Jésus est la pierre vivante.  Comme des pierres vivantes, nous avons, nous aussi, à donner vie à ce qui semble mort en nous ; pour ouvrir ensemble l’espace d’Évangile dans notre société, dans l’Église. Une pierre vivante ! Quelle contradiction dans les termes, quel paradoxe ! Destin de la pierre, destin des humains en fonction du regard qu’ils jettent sur elle.

J’ai été fort impressionné, cet été, au cours d’un voyage en  Gaspésie,  de revoir dans le village de Ste-Flavie, au bord du fleuve, ces  80  statues de pierre (de béton) sculptées par Marcel Gagnon, et regroupées sous le titre: « Le grand rassemblement » .Ce sont des personnages, grandeur nature, qui semblent sorties de la mer et qui se donnent rendez-vous tout près d’un personnage central situé sur le bord du fleuve. À marée haute, elles sont dans l’eau ; à marée basse, elles sont sur la grève, regardant vers la mer. Ces statues sont comme des pierres vivantes. Le paysage est superbe, la vie donnée à la pierre aussi. Quand  j’ai retrouvé le passage de la lettre de Pierre, je me suis rappelé ce paysage, et je me suis dit : oui,  on peut devenir ces pierres vivantes qui marchent à la suite de Jésus.  Il est la pierre vivante. Il est précisément une figure paradoxale, celui en qui la vie jaillit de la mort. À la suite de Jésus, comme des pierres vivantes, nous avons à sculpter nos vies, la vie, dans ce qui peut représenter une certaine froideur, une dureté ; nous sommes invités comme des artistes, à donner vie à la pierre.  C’est alors que les pierres peuvent parler, les pierres peuvent marcher, les pierres peuvent vivre. Cette image nous rejoint ce midi. Nous avons à devenir des pierres vivantes à la suite de Jésus, en partageant son destin, en le continuant. 

Venant des quatre coins du Grand Montréal, nous tentons de vivre, ici, à St-Albert, un  rassemblement, des personnes de tous âges, qui veulent construire et vivre une aventure spirituelle. Il y a de grandes possibilités. Cela se manifeste dans la qualité de notre participation, qui respecte ce que chacun/ne peut y apporter et y investir, et dans nos engagements dans la vie aussi. Mais on a à coeur d’aménager nos assemblées pour que nous en percevions l’intensité. Si, à force d’habitudes, on laisse ses moments -là devenir  ternes, rabâchés, in-signifiants, comment sera-t-il possible de renouveler notre foi, d’ouvrir et d’élargir notre foi en Dieu aux grands soucis de nos sociétés ? Ces moments de célébrations sont des moments de source ! 

Il est important que nos célébrations soient vécues, à chaque fois, comme une étonnante surprise. Etre surpris par Dieu et par nous-mêmes ; être surpris de ce que nous sommes capables de réaliser ensemble, comme le sculpteur est surpris de ce qu’il a pu faire vivre dans la pierre. Alors nos assemblées seront de plus en plus partages signifiants de la Parole et du Pain, comme nous le faisons ce matin, comme nous tenterons de le faire les dimanches qui viennent, y cherchant des gestes de partage qui nous interpellent et des paroles toujours  plus significatives. Nos célébrations ne sont pas l’affaire de quelques-uns qui les préparent plus immédiatement ; c’est le fait de nous tous qui ne sommes pas des consommateurs/ trices, mais des participants, des célébrants et célébrantes, chacune et chacun à sa façon, mais non moins participants.

Par les temps qui courent, les responsables de l’Église de Rome nous font parfois réagir par leurs déclarations. La question qu’on doit se poser n’est pas où ça va, où va cette Église ? Mais où la mène-t-on ? Retrouver que l’Église c’est nous, et que c’est à partir des milliers de communautés comme la nôtre que l’Église universelle peut se manifester, et non le contraire. Il s’agit d’accueillir le temps présent, développer son goût pour la vie, là où l’Évangile fait sa place. Peut-être, pourrons –nous ainsi devenir des pierres  vivantes…  regardant vers Jésus.