Commentaire de l'évangile de Luc

Commentaire sur le texte de Saint Paul


« Prendre le large… »

Dans la liturgie des deux derniers dimanche, l’évangéliste Luc nous présentait Jésus à la synagogue de Nazareth, son village « natal ». Il était au tout début de son parcours. Un jeune adulte. On lui avait demandé de lire un extrait du livre d’Isaïe. Ce qu’il fit. On l’a écouté avec étonnement. Ça s’est mal terminé… Dès qu’il a commencé son homélie (geste, encore aujourd’hui, toujours périlleux), les réactions ont été agressives. On l’a poussé en dehors de la ville, jusqu'à bord d’un escarpement, pour le précipiter en bas. Tout le parcours de Jésus, on le sait, sera fait de rejet et d’accueil. Il ne laissait personne indifférent

Aujourd’hui, nous retrouvons Jésus au bord du lac de Génésareth. Il y a foule. Plusieurs continuent de le suivre. L’Évangile s’agrandit… comme en une pêche qui commence mal et qui finit bien. Jésus prend conscience qu’il ne peut pas annoncer seul la Bonne nouvelle. Il a besoin de collaborateurs. Il dit à ceux qui l’on suivi, à ceux qui faisaient leur métier de pêcheurs, à Simon Pierre en particulier qui l’avait si noblement renié : maintenant c’est à toi aussi de prendre en charge, avec moi et avec les autres, l’annonce de l’Évangile. À partir de l’exemple de son travail de pêcheur, il dit à Simon Pierre que ce ne sont plus seulement des poissons, mais « désormais ce sont des hommes que tu prendras. ». C’est dire que la responsabilité de la suite de l’Évangile leur appartient. Jésus rejoint ces pêcheurs en plein travail.

Plus de deux mille ans plus tard, cette responsabilité est toujours entre les mains de femmes et d’hommes croyants, entre nos vies. Cette responsabilité nous revient. Voilà ce que Luc tente de nous dire. L’Évangile est un appel, la mission de Jésus s’élargit à notre responsabilité individuelles et commune : « avance au large, et jetez les filets pour prendre du poisson… » Suivre Jésus, c’est accepter de prendre le risque d’aller au large, jusqu’à se perdre, d’accepter, dans notre condition humaine limitée, de faire confiance à l’autre, aux autres, à Dieu. L’Évangile fait son entrée dans l’humanité; il est là pour humaniser l’humanité. Paul l’avait compris à sa façon. Qui suis-je pour annoncer cette Parole? C’est déjà la communauté en marche; c’est l’Église qui en est à ses premiers pas. Et cela continue; et cela nous a rejoint sur nos routes aujourd’hui. Nous sommes tous, chacune et chacun, les premiers responsables de l’Évangile aujourd’hui.

Alors que nous avons nos préoccupations quotidiennes, chaque dimanche ou à peu près, nous nous retrouvons dans cette assemblée pour écouter ces passages d’Évangile et d’autres textes de notre tradition et partager le pain et la coupe en mémoire de Lui. L’Évangile ne nous sort pas de nos vies; il nous invite à y entrer encore plus profondément pour rencontrer les autres, pour rencontrer Dieu avec les autres au cœur de nos vies. Et c’est dans les liens que nous faisons entre le quotidien de nos vies, notre souci d’Évangile et nos assemblées dominicales que l’Évangile peut continuer à vivre au cœur de notre monde, que nous gardons conscience des luttes à mener pour la justice, pour la paix contre toutes guerres, les guérisons et même les résurrections, petites ou grandes, que nous pouvons vivre et faire vivre.

Dans ce projet d’une responsabilité commune de l’Évangile, nos assemblées du dimanche sont un temps que nous nous donnons, comme pour regarder la réalité ensemble, comme pour nous donner la force d’aller au large… et nous demander qu’est que l’Évangile change dans, nos vies et dans le monde? C’est un temps de rencontre entre nous. D’ailleurs je remarque, avec d’autres, que notre assemblée dominicale devient de plus en plus conviviale. On se parle, on se reconnaît, on écoute, on est capable d’écouter et de s’écouter, de faire action de grâce et de trouver sens et signification au fur et à mesure de nos vies au geste de partager le pain et la coupe en mémoire de Lui. L’assemblée dominicale est un temps gratuit où l’interrogation sur le souci de l’Évangile peut se tenir dans nos vies.

Nous essayons de former une assemblée significative d’une communauté toujours dispersée aux quatre coins de la ville et du Grand Montréal. Ce n’est pas rien, nous désirons avancer au large. Dans une réunion que les membres de l’équipe de liturgie tenaient, il y a quelque temps avec des jeunes adultes de notre communauté, qui, pour toutes sortes de raisons, viennent moins souvent aux célébrations du dimanche, l’un d’eux nous disait ceci, sur un ton très sympathique : « Je suis heureux, même si je ne suis pas souvent là, de savoir qu’il y a une ‘ belle gang de fous comme vous autres ’ qui célébrez tous les dimanches; quand j’y viens, je vous rejoins et j’embarque ». Voilà. À notre manière et avec notre style propre, nous voulons ne pas oublier nos racines, et nos eucharisties dominicales en sont un moment précieux.

En réfléchissant à cette célébration, m’est revenu un souvenir du temps de mon école primaire chez les sœurs du Bon Pasteur. Sr Ste Claire de l’Eucharistie vantait les familles nombreuses que nous étions alors et elle nous faisait chanter souvent ce refrain, un brin naïf, mais qui m’a marqué : « Seul, on ne peut rien, À deux, c’est déjà mieux. À cent, c’est plus plaisant. À mille, c’est plus facile. Alors viens… » Au-delà du jugement sur les familles nombreuses, nous n’étions certainement pas loin de l’Évangile et de l’appel à Simon Pierre et à nous tous : « Prenons le large », pourquoi pas, l’Évangile nous y invite.