On
ne peut que sourire, lorsqu’on entend
Paul se traiter d’avorton. En effet, il ne peut s’agir ici que
d’une
figure de style, puisqu’on n'est guère habitué chez Saint
Paul à une
telle humilité. Mais là n’est pas le plus important,
l’essentiel
par contre, c’est de découvrir dans ce texte que Paul ressent
fortement la nécessité de rappeler à la communauté chrétienne
de Corinthe que sa première responsabilité à l’égard
du message qu’il a reçu et qu’il leur a transmis est de
le garder fidèlement. Il ne suffit pas de s’en rappeler comme
on se souvient plus ou moins de ce qu’on a entendu dire, mais de le
retenir et de le transmettre tel que Paul le leur a annoncé. Pourquoi
cette exigence et cette insistance de Paul sur la fidélité dans
la transmission du message?
Certains
membres de la communauté de Corinthe auraient pu réagir
et, peut-être même que quelques-uns ont réagi devant
cette intransigeance de Paul. En effet, n’a-t-on pas l’impression
que Paul veut imposer de façon autoritaire son message et qu’il
s’exprime
un peu comme ceci : Tenez-vous en strictement à ce que je vous ai
dit, comme moi je m’en suis tenu à ce qu’on m’a
dit, un point, c’est tout. Cela ne prête ni à discussion
ni à interprétation.
Mais,
ce qu’il faut d’abord retenir ici, c’est que Paul s’adresse à une
jeune communauté, à de nouveaux croyants et que le danger,
puisque le message est surtout transmis oralement, c’est qu’il
soit dénaturé en
le laissant à l’interprétation de l’un ou de
l’autre.
On connaît tous ce jeu qu’on appelle le jeu du téléphone
et qui consiste à transmettre la même phrase à plusieurs
personnes et de vérifier ce qu’il advient de cette phrase,
lorsqu’on
compare la version entendue par la première personne et celle
comprise par la dernière. Le résultat provoque toujours
l’étonnement
et se termine souvent par un éclat de rires devant les déformations
subies par le texte originel. Je ne sais pas si Saint Paul connaissait
ce jeu, mais il savait pertinemment bien, qu’il était dangereux
de laisser un message aussi important que celui qu’il avait reçu
et qu’il
leur avait transmis à la merci de l’imagination de chacun.
En
effet, Paul ne livre pas n’importe quel message. Ce qui justifie son
insistance sur la fidélité dans la transmission de ce
message, c’est que ce qu’il a reçu et qu’il
leur a livré constitue
le cœur, l’essence même de la foi : le Christ est mort,
il a été enseveli
et il est ressuscité. Et Paul n’invente pas, il appuie
ce message sur les témoignages de centaines de disciples et
des apôtres qui
ont vu le ressuscité.
La
préoccupation de Paul finalement, et on le comprend, c’est de
convaincre les fidèles de Corinthe qu’il leur a transmis le bien
le plus précieux et que ni lui, ni eux, ne peuvent se permettre de l’oublier,
de le changer ou de le perdre.
Prenons
une image. Qui serait assez étourdi pour modifier un testament
dans lequel il serait nommé bénéficiaire de biens considérables?
Or, c’est bien d’un héritage inestimable qu’il s’agit,
lorsque nous considérons le testament de Jésus et les richesses
qu’il distribue à chacune et à chacun de nous par l’exemple
de sa vie, de sa mort et de sa résurrection. Paul a bien lu le testament
de Jésus et en a reconnu toute l’originalité, la force et
la générosité. C’est pourquoi, il insiste tant sur
la nécessité de l’honorer à la lettre. Nous non plus, à l’instar
des membres de la communauté chrétienne de Corinthe, nous ne pouvons
trafiquer ce testament. Nous devons aussi le conserver précieusement et
accomplir avec la plus grande fidélité les volontés de celui
qui nous a légué gratuitement tous ces biens.
Joseph-Arthur
Bergeron
Dimanche, le 8 février 2004