Laisser Dieu entrer dans nos vies
Voici que des
mages venus d’Orient arrivent à Jérusalem… Le
récit selon Matthieu reste sobre : « des mages venus
d’Orient… ». Mais
comme tous les récits investis de quelque chose d’intrigant et
de mystérieux, il est demeuré vivant tout au long des siècles.
Le récit n’est jamais terminé; il a donné libre
cours à l’imagination
croyante. Les récits, on le sait, vivent toujours quand on les accueille
et qu’on y rajoute ses propres fantaisies, de génération
en génération.
Matthieu, dans
son récit, parle de mages venus d’Orient. Il ne dit
pas le nombre; il ne dit pas non plus qu’ils étaient rois. Permettez-moi
une curiosité.
Pendant cinq
siècles, dans notre histoire chrétienne, les mages
sont restés des sages et non des rois. Au 6e siècle, quand
on racontait cette histoire, les mages de l’Épiphanie étaient
au nombre de douze; probablement pour faire référence aux douze
apôtres.
Au 9e siècle, ce sont des rois et ils sont trois; très probablement
pour établir
un lien avec les trois personnes en Dieu. Certains récits vont même
jusqu’à raconter que les mages auraient pris deux années
pour arriver à Bethléem.
Vers le 15e siècle,
on donne des noms à ces personnages qui sont devenus des
rois mages : Gaspar qui représentait l’Europe; Balthazar
qui représentait
l’Asie; Melchior qui représentait les peuples d’Afrique.
Voilà pour
la vie du récit et sa part de légende. J’espère
que, pour plusieurs aujourd’hui, il reste comme souvenir plus que la « galette
des rois ». Mais qu’en est-il de la fête de l’Épiphanie
que nous célébrons aujourd’hui et de sa signification
pour notre foi?
L’Épiphanie, c’est la fête de Noël qui se prolonge
comme si elle se poursuivait au loin. C’est une sorte d’insistance,
une ouverture sur le sens de la naissance de Jésus. Cette fête est
là comme un rappel, pour que nous n’oublions pas que Dieu s’est
fait homme dans la naissance de cet enfant, et qu’il s’est fait homme
pour toute l’humanité la foi en Dieu possible pour tous. Noël
au cœur de la fête de l’Épiphanie, c’est Jésus
qui reste au centre de cette fête. La visite des mages nous fait prendre
conscience et nous révèle encore une fois le sens de cette naissance
de Dieu au monde. Les mages venus de si loin, probablement poussés par
leur passion pour les astres, nous rappellent qu’il n’y a personne
d’exclus dans ce projet de Dieu qu’il n’y a aucune dimension
de nous-mêmes qui ne soit exclues de cette offre de salut. C’est
comme une grande lumière sur le monde, comme une grande lumière
sur nos vies.
Si je crois qu’il
y a plusieurs crèches depuis la création
de l’humanité, je reconnais également que les chemins
pour y parvenir sont innombrables. Il y a autant de chemins que d’être
humains. A chacune et à chacun de découvrir le sien et à y
mettre le temps pour y arriver. A chacune et à chacun, trop seul parfois,
de se joindre à cette caravane humaine qui cherche. On peut le faire
en Église,
une Église qui a le souci de créer un espace ouvert, accueillant
aux différents cheminements et choix de vie que la première
crèche
l’a été et que la résurrection de Jésus
a confirmé;
on peut le faire aussi autrement, en se joignant à toutes ces personnes
qui cherchent avec d’autres. Nous vivons dans l’espérance
que nous n’arriverons jamais trop tard à la crèche intérieure.
Nos chemins pour y arriver sont façonnés par nos destinées,
parsemés par nos blessures intérieures, enrichis de nos bonheurs.
Ils sont ce que nous sommes et ce que nos devenons. Et comme les mages, nous
partons à la
conquête guidés par notre étoile. Par notre présence
dans cette assemblée aujourd’hui, nous nous rappelons les uns
aux autres que nous sommes des chercheurs de Dieu, des êtres sur le
chemin et en quête de sens pour nos vies. Dieu se manifeste à nous.
À l’occasion
de cette célébration de l’Épiphanie
et en ce début d’année, on pourrait reprendre et poursuivre
la question que nous nous sommes posée durant l’Avent : « A
-t- on le goût de l’avenir? » Quels sont nos rêves
pour cette année? D’où viendra la lumière? Aurons-nous
les yeux assez grands, assez ouverts pour voir cette lumière se lever?
Où trouverons-nous les guides pour poursuivre la marche des mages?
Je souhaite que nous soyons de bons guides les uns pour les autres, à notre
manière, et que les retours en assemblées du dimanche deviennent
des moments privilégiées où nous nous interrogeons sur
notre qualité de vie et aussi de guide. En somme, dans notre aventure
humaine qui se poursuit et que l’on construit chaque jour, où en
est notre aventure de foi? On ne peut penser l’aventure de la foi,
sans l’aventure
de l’humanité. Laisser Dieu entrer dans nos vies.
Ce passage de
Matthieu, une belle histoire parmi d’autres? Une belle légende?
Un récit historique? Infiniment plus! Une manifestation de Dieu au monde.
En somme, la fête de l’Épiphanie nous redit que le Dieu pour
nous est le Dieu de tous, sans exclusion quel que soit le nom qu’on lui
donne. Dieu résonne au plus profond de nos silences intérieurs.
Entendre son souffle est une expérience qu’il nous offre de vivre.
C’est le rêve de Dieu; j’ose espérer qu’il rejoint
le nôtre.