0. « Marie…gardait
ces événements dans son cœur…»
Si vous regardez
et écoutez autour de vous, dans les média, la
période des fêtes est marquée par la confusion. Qu’est-ce
qui y est « fêté »? Il
me semble qu’on nous propose
d’éliminer le plus possible la signification chrétienne
de Noël pour lui substituer une fête de… l’enfance,
du groupe familial, de l’hiver, du solstice d’hiver, du Père
Noël,
ou faute de mieux une fête du « sapin vert ». Dans
cette confusion des « fêtes » il
est intéressant
de prendre exemple sur l’attitude
de la Mère de Jésus telle que la représente l’Évangile
de Luc. Il nous est dit qu’elle prend du recul, se donne du temps pour
accueillir, questionner et comprendre. Je soupçonne Luc de nous inviter à faire
un passage semblable de l’événement décrit à un
acte de foi. Une foi qui commence par le consentement à la surprise
et à la
confusion. Ce que l’Église des premiers siècles faisait
aussi vivre parce qu’elle désignait par le catéchèse.
1. Marie songeuse…
Pour entrer dans
la démarche catéchétique de Marie, portons
attention à une caractéristique des chants traditionnels
connus :
Les anges
dans nos campagnes…
Il est né le divin le divin enfant
Ça bergers assemblons nous
Aujourd’hui dans notre monde
Tout le ciel s’emplit
Peuple fidèle
Venez divin messie
Minuit chrétien, c’est l’heure solennelle
Sainte nuit….
N’y a t-il
pas dans ces chants, dans les paroles certes mais aussi dans leur musique,
une exubérance, allégresse, une jubilation… pour
le moins exagérée pour qui porte le fardeau normal des
soucis et déceptions d’une vie adulte… normale ?
Si Marie était devenue songeuse , à la réponse des bergers,
elle l’est encore plus devant l’audace de Jésus devenu fugueur.
Elle le retrouve en pleine session----assis---avec les doctes maîtres du
Temple, anticipant ainsi sa dernière visite à ce Temple, Maison
de Dieu, et prenant en même temps distances de ses proches, et allant jusqu’à leur
reprocher de ne pas comprendre ce qui se passe.
Qu’est-ce
donc que même les proches de Jésus avaient à comprendre?
Peut-être ce que d’autres chrétiens qui nous ont précédés ont
exprimé par ces airs traversés d’exubérance et
de jubilation et qui peut-être nous échappe?
2 La surprise…chrétienne.
2.1 En lui viens
reconnaître ton Dieu, ton Sauveur (Peuple fidèle)
Remarquons un
autre élément apporté par
un chant traditionnel…
L’exubérance,
l’exultation manifestée par les chants
traditionnels émerge de la surprise d’une re-connaissance inattendue.
Non un remerciement, mais l’expérience d’une re-connaissance
comme celle que nous faisons d’une personne bien connue dans notre enfance
puis oubliée et qu’une rencontre inopinée met devant-nous
incognito, non reconnue au premier abord, et que nous re-connaissons à un
timbre de voix, un geste caractéristique, donc à un détail
minime qui nous le replace tout à coup devant nous… Une telle
re-connaissance comporte deux regards ou foyers d’attention complémentaires;
comme des jumelles ou longue-vue.
2.2 Connaissance
première.
La re-connaissance
qui est inhérente à la foi met en œuvre
d’abord une connaissance intérieure du Mystère que nous
appelons Dieu, cultivée et approfondie, selon divers chemins et à laquelle
chacun doit demeurer fidèle coûte que coûte. C’est
une longue et sérieuse fréquentation qui nous le rend à la
fois plus proche et mystérieux de plus en plus. C’est dans ce
travail tout intérieur que nous nous
ouvrons à la première idée ou vision qui construit
une foi vraiment chrétienne : l’idée ou le sens du transcendant,
la conviction que la réalité est plus que ce que nous en voyons
et connaissons, qu’il y a quelque chose de radicalement autre, une dimension
englobante et mystérieuse, que nous pressentons sans pouvoir la saisir
et la retenir. Ce qu’ont essayé de signifier par leurs mythes,
rites, temples et institutions les religions de l’humanité depuis
les temps
immémoriaux.
Cette connaissance
intérieure du Mystère, même quand elle
est estimée, nous laisse devant une grandeur et une majesté silencieuse.
Souvent on la considère comme le Bien, la Beauté, mais parfois
et même souvent on la colore de nos limites, nos errances et nos peurs.
2.3 Seconde connaissance : une re-connaissance
La vision chrétienne
va ajouter à cette première idée
de transcendance une seconde idée qui en est le contrepoids et aussi
la mise à l’épreuve. D’une façon que je crois
unique et originale, un croyant chrétien c’est quelqu’un
qui accepte de laisser confronter ce Dieu intérieur par une figure historique
et limitée,
-celle de Jésus de Nazareth- dont il ne sait pas et
même ne soupçonne
pas qui elle est réellement. Peu à peu il pourra -mesuré par
la qualité intérieure de son premier rapport au Dieu intérieur- se rendre compte que c’est Dieu incognito. L’idée d’incarnation- trouve
son expression la plus riche et exacte en celle-ci : « le Verbe
(ou Fils) de Dieu s’est fait chair , il a habité parmi nous, lui
par qui le monde s’était fait mais le monde ne l’a pas reconnu
(Jean 1,14.&10) ». Elle se comprend comme l’expérience
d’une re-connaissance de cette figure incognito de Dieu, présente
d’abord dans les prophètes qui l’ont précédé et
poursuivie par la très humaine Église.
L’exubérance et l’allégresse surgit quand se produit
cette re-connaissance risquée -il est si facile de passer à côté-
et qui est l’acte de foi en Jésus comme Christ, Seigneur et Verbe
ou Parole de Dieu, et pas seulement comme un personnage humain et historique à l’origine
d’une éthique.
Pour atteindre à cette
re-connaissance, il faut utiliser les deux tubes de la lorgnette et faire
la mise au point des deux regards en un même foyer.
La connaissance et l’amour de Dieu qui est en soi rend capable de re-reconnaître
dans la présence d’un être humain limité et vulnérable
et marchant sur le chemin objectif de l’histoire le même Mystère
présent au creux de soi. Tel est le noyau ou le cœur d’une
foi vraiment chrétienne. Ce n’est pas quelque chose de facile
ou d’auto-matique. J’ai remarqué que dans les premiers siècles
de l’Église, ce qu’on appelle des hérésies
portent rarement sur le Dieu transcendant, mais surtout sur l’identité réelle
de ce Jésus de Nazareth : Est-il vraiment le Verbe de Dieu venu
habiter parmi nous et nous mettant au défi de le re-connaître? À quelqu’un
qui lui objectait que ce serait plus facile de reconnaître Jésus
s’il était là en chair et en os au lieu de le chercher
en méditant et priant la Bible en Église, Luther avait raison
de répondre : « Si le Christ entrait maintenant par
la porte qui est là, tu
ne le re-connaitrais pas!. ».
Et comme ce n’est pas une évidence ni le consensus d’une société,
la figure de Marie gardant dans son cœur tous ces événements
(Luc 2, 19 & 51 ) nous montre le seul chemin de la re-connaissance de Jésus
comme Christ, Sauveur et Fils de Dieu.
Apprécions
la finesse de l’évangile de Luc qui dans ce prologue
suggère ce que les autres chapitres déploieront, le défi
de reconnaître le « visage humain » de Dieu sur les chemins
raboteux et accidenté de l’histoire, la perplexité requise
et la joie de trouver la « perle sans prix ».
2.4 Et la Sainte
Famille?
C’est toute famille où ce double regard est cultivé, recherche
au cœur de soi et attention à la présence incognito de Dieu
sur les chemins de l’histoire.
Ne laissons pas
le mystère de Noël nous échapper : « Et
le Verbe s’est fait chair » et
il nous surprend comme il surprenait ses parents… et ses
disciples ultérieurs jusqu’à aujourd’hui.