Un regard qui a goût de naissance

Il y a tant de façons de célébrer Noël… Cette fête nous rejoint là où nous sommes disponibles. Nous sommes ici, ce soir, dans cette église, dans cette assemblée pour nous souvenir.

Le récit que nous venons d’entendre,nous pourrions presque le reprendre par cœur, tellement il nous est familier. Il faudrait surtout laisser dans le silence de la nuit, ces paroles, ces images, pénétrer doucement notre esprit et notre mémoire. C’est le cœur de la fête, nous ne voulons pas l’oublier. On écoute ce récit si mystérieusement raconté, si pauvre et si riche en même temps. Qu’on ait le cœur à fêter ou pas, je crois qu’on l’entend parfois de très loin, ce récit; parfois de très proche, au milieu de tout ce qui entoure la fête. Un récit bien situé dans le temps qui nous rappelle que notre histoire est celle de la « mise au monde » de Dieu et que l’humanité n’est pas étrangère, que nous ne sommes pas étrangers à cette naissance.

Oui, c’est le moment où, en assemblée, on fait une pause au beau milieu des visites et des souhaits, des désirs de réconciliation et de leurs difficultés, de ce jeu des échanges de cadeaux, des repas si caractéristiques, une atmosphère de fête qui nous rejoint à chaque année. Même dans tous ces énervements qu’elle engendre, la fête de Noël reste une pause dans le quotidien de notre vie.

En venant ici ce soir, nous ne voulons pas oublier que cette naissance de Jésus s’est inscrite dans le cœur et dans la mémoire de millions et de millions d’hommes, de femmes et d’enfants dans l’immense chaîne des générations. A force d’écouter ce premier récit, il a fini par inspirer. On l’a reproduit dans des crèches, à même les cultures et la compréhension qu’on avait de cet événement, souvent avec une foi qui désarme… Il a surtout inspiré des vies.

Quelque soit l’intensité de notre foi, en chacun de nous existe, il me semble, un petit coin qui croit toujours et encore en cet enfant, en son avenir. Qui que nous soyons, nous nous retrouvons, souvent à notre insu, émerveillé devant une crèche.

Dieu se fait homme en Jésus Christ et a révélé à chacun et à tous sa grandeur et sa dignité humaine. Telle est la Bonne Nouvelle. Qu’en avons-nous fait? Qu’en faisons-nous encore aujourd’hui?

A Noël, reconnaissons que nous sommes des hommes et des femmes, simplement humains appelés à investir notre vie d’humanité à la suite de Jésus. Dans ce sens, Noël est à inventer à chaque année. Une naissance c’est toujours à partager avec d’autres, l’enfant aura besoin des autres. La foi en la vie, l’espérance dans le devenir et l’avenir, cela fait partie de la naissance, de la Bonne nouvelle.

Où sont les naissances dans nos vies? Les re-naissances? Noël, c’est la fête de la naissance de Dieu au monde, mais c’est aussi la fête de nos vies qu’on les croit peut-être usées ou qu’elles soient commençantes. Que s’est-il passé depuis un an? Quelle différence entre ce Noël-ci et celui de l’an dernier? Sommes-nous restés au même point immobile? Depuis un an ne s’est-il rien passé?

Eh bien! Il s’est passé ce que nous suggèrent les images qui assaillent, ce que nous voyons dans les médias, dans notre entourage. Mais ce qui s’est passé dans l’intime et le secret de la vie, qui pourrait le dire et en faire la somme? La réalité de notre foi, c’est que Dieu se donne dans cette figure muette de l’enfant. Nous pouvons espérer que nous aussi, avec ce récit de naissance, sommes en train de naître.

Voici que nous sommes ramenés en cette nuit de Noël à l’image d’une naissance en train d’advenir. Ce que Noël nous permet de mesurer depuis un an, c’est notre propre naissance. Non pas retourner à l’origine, mais regarder notre existence dans sa réalité. Ce soir, cette nuit, le regard de Dieu a goût de naissance et le nôtre aussi, je l’espère.

Je vous souhaite, je nous souhaite que la fête de Noël, tout en nous révélant Dieu proche de nous, nous rappelle à notre humanité, et nous invite à devenir, dans nos attitudes et nos comportements, des femmes et des hommes proches des autres, proches de nos plus proches et des moins proches. Que nous soyons, dans les plus petites choses de la vie, des artisans de cet amour, de cette paix tant souhaitée à Noël. Oui, « quand les hommes vivront d’amour, il n’y aura plus de misère… » C’est presque un chant de Noël. Depuis toujours, depuis Dieu, depuis la naissance de Jésus, ce souhait nous traverse. N’est-ce pas cela la Bonne Nouvelle que nous entendons encore cette nuit!