PASSEURS DE VIE
On a tant besoin
d’entendre parler de vie
et de résurrection… C’est Marie-Madeleine qui en fait l’annonce
aux autres avec quelques femmes. On l’a trop longtemps oublié. Elles
en font l’annonce à partir de leurs histoires de vie, de leurs désirs ;
Marie-Madeleine, d’autres femmes, des hommes aussi; Pierre, qui a renié Jésus,
et tant d’autres. Ce sont des gens comme nous qui ont cherché la
vie et qui l’avait pressenti en suivant Jésus ou en l’accueillant.
Nous ne pouvons aller vers la résurrection qu’à partir de
ce que nous sommes, de ce que nous devenons. Il n’y aura jamais d’autres
récits de la résurrection que le témoignage de celles et
ceux qui ont rencontré Jésus vivant. Elle nous redit que la fin
de la vie humaine n’est pas la mort. Nous entendons, cette nuit, que notre
destinée est infiniment plus vaste.
Et cette célébration, si elle parle de nous, elle parle de Dieu;
mais elle parle de Dieu à travers Jésus, à travers nous.
Le jeune homme vêtu de blanc assis dans le tombeau, ce peut être
vous, ce peut être moi; c’est tout être humain qui, à quelque
part, attend la vie, et connaît le plaisir d’annoncer la résurrection.
C’est chacune et chacun de nous qui, à certains moments de notre
vie, avons aidé quelqu’un en lui disant : va dire la vie à quelqu’un
d’autre. C’est ainsi la résurrection. Pâques, un départ
sans cesse répété sur les chemins de l’Évangile.
Tout nous parle de vie… Tout parle d’annoncer la vie et non la
mort .
En un temps
où le nom de Dieu est servi à toutes les sauces et
souvent, pour justifier l’injustifiable, la résurrection de Jésus
nous rend plus humble. On ne se sert pas de Dieu. Il nous faut plutôt des
personnes et des groupes humains qui ressuscitent le monde. Impossible de fêter
Pâques, sans faire passer à la vie, les femmes et les hommes qui
cherchent tout simplement à vivre. Dieu nous y accompagne.
Une image,
que j’emprunte à quelqu’un d’autre, me semble
bien suggérer le sens de la vie de Jésus et sa résurrection:
il a été, il est un Passeur de vie!
Dans son inlassable
travail de Passeur de vie, Jésus a tout perdu. Il
finit dans la mort, cloué comme quelqu’un à qui on a tout
pris. Ou plutôt comme quelqu’un qui a tout donné!
Le passeur de vie doit risquer de perdre sa vie pour que les autres
la gagnent…
Faire Pâques c’est emprunter un chemin, s’engager dans le difficile
travail de passeur et de passeuse de vie. Les passeurs de vie font des brèches
dans les murs, dans le mur de la mort. On les reconnaît facilement. Les
passeurs de vie inventent la convivialité, créent le
service gratuit.
Les passeurs
de vie, on les rencontre partout. De mille manières différentes,
le plus souvent dans des petits gestes; ils ont le souci du bien-vivre ensemble.
La résurrection du Christ, c’est là qu’elle se vit,
qu’elle invente, qu’elle appelle à la vie.
Sans les passeurs
de vie, la terre tournerait à la
mort. Plus d’espérance.
Ils prophétisent la résurrection du Christ; ils la
montrent à l’œuvre.
On vient de l’entendre dans le texte de Paul. C’est ce
que le baptême,
notre baptême, que notre tradition a marqué par la plongée
dans l’eau, veut nous rappeler en cette nuit. C’est un passage
toujours à retrouver …
Nous entrons
dans un autre moment de notre célébration,
le temps du baptême. Alors que vient d‘être proclamée
la bonne nouvelle de la résurrection de Jésus, dans cette
lumière
que nous portons en nos mains fragiles, nous pouvons nous demander: « Si
je devais être baptisé cette nuit, comment répondrais-je
de mon baptême? Quelle foi me porterait à poser ce geste?
Serais-je même prêt à le poser? » Je ne
veux pas répondre à cette
question pour chacun et chacune d’entre vous. Tout dépend
de là où on
est dans la vie: vieux, moins vieux , jeunes, enfants, on a de la
vie et de la foi des itinéraires différents. C’est
une richesse. Mais une chose est certaine, peut-être n’aurions-nous
cette force d’aller
au baptême qu’ensemble, en y marchant main dans la main,
comme nous le ferons, avec les marraines et le parrain, en accompagnant
Justine-Pascale,
qui sera baptisée et qui présentera, avec Bruno, sa
fille Emmanuella; comme nous le ferons en accompagnant Julien et
Catherine qui présente
Jeanne au baptême. Ce sera notre façon de redire notre
fidélité,
une fidélité à la fois fragile et tenace comme
la vie, comme l’espérance. J’ai la conviction
que ce qui nous amène à mettre
notre foi dans le Christ ressuscité, c’est cela même
qui nous unit les uns aux autres ; cela nous permet de vivre, de
traverser des difficultés
parfois très grandes et des joies aussi, nos amours, nos fractures
aussi. Celles qui seront baptisées au milieu de nous et non
devant nous redisent cet appel à devenir des passeurs et des
passeuses de vie, dans le souvenir de Jésus.
Quand tout à l‘heure nous proclamerons
notre foi, derrière
les mots chantées qui seront les mêmes pour tous, il
y aura des expériences de vie et de foi différentes,
mais la force de notre proclamation sera dans nos liens. Et quand
nous échangerons entre nous
les vœux de Pâques, j’ose croire que dans les yeux
de chacune de chacun brillera une lumière vivante. Et la fête
nous renverra à notre
quotidien, car c’est au quotidien que Pâques se vit. « Souvenons-nous
de Jésus Christ. » Joyeuses Pâques!