Le thème de ce dimanche est : « Être indulgent ? »
Mon expérience n’est pas spécifiquement liée au Covid, mais elle n’est pas moins belle :
Je me promène un soir, dans la noirceur sur le campus de l’UdeM. La police m’arrête – c’est une femme – elle me demande, si tout va bien ? Oui, tout va bien. Alors, elle me pose toutes sortes d’autres questions ; mon nom, mon prénom, mon adresse, qu’est-ce que je fais là etc. etc.
Je réponds, nous commençons à jaser de tout et de rien ; je lui demande même son prénom à elle. Après à peu près 5 minutes je reprends mon chemin – et, une fois seule dans la nuit, je me demande : « Si, au lieu d’être une petite vieille blanche, dont personne n’a peur (et qui n’a peur de personne) - j’avais été un homme noir, une femme indigène, comment j’aurais réagi ? Aurais-je refusé de répondre ? Et comment la police aurait réagi à ça ?
J’ai compris comme je suis privilégiée, et comment la peur et les mauvaises expériences peuvent créer la violence…
Seules l’indulgence, l’écoute bienveillante de l’autre, peuvent nous réconcilier.
Durant ces six mois de pandémie, j’ai vraiment ressenti ce que signifiait « faire communauté ». Que ce soit par le site web ou par les courriels, on se rendait compte que les membres désiraient rester connectés les uns aux autres. Les courriers hebdomadaires de notre président, les commentaires sur les thèmes du dimanche, les infolettres proposant des textes de réflexion, les contacts téléphoniques pour prendre des nouvelles… sont autant d’occasions de garder le contact. Et depuis la reprise des célébrations du dimanche, les efforts de chacun et chacune pour participer malgré les contraintes et pour assurer le respect des règles sanitaires permettent le plaisir de se retrouver avec un semblant de normalité. Oui, faire communauté, c’est vraiment avoir le souci les uns des autres et désirer continuer à vivre sa foi en relation, non seulement individuellement, mais surtout collectivement
Cette période étrange m’a plongée dans des abîmes indescriptibles qui se manifestent par des rêves bizarres. Dieu merci, des invitations sont arrivées pour remonter à la surface.
Avril 2020 : HEC Stories propose de raconter son expérience de confinement. J’écris une page (472 mots). En juin, des collègues universitaires demandent à Gaston la même chose. Il leur envoie sept pages en 2791 mots qui me rassurent sur un certain désarroi : « cette pandémie apparaît comme un fait social total, c’est-à-dire selon Mauss (1923), un fait qui met en branle, qui ébranle, la totalité de la société et de ses institutions, nous y compris. » Pas étonnant que je sois ébranlée, comme sans doute tout le monde.
Première découverte : nous sommes entrés dans la classe des vieux. On nous ménage, on s’inquiète. C’est évident, nous sommes désormais dans la catégorie des seniors, des aînés, c’est-à-dire des vieillards.
Deuxième découverte : presque tous nos correspondants – tous âges confondus – pensent qu’on reviendra « comme avant ». Ils me font penser aux Européens de 1940 qui croyaient que la seconde guerre mondiale ne durerait pas. Qu’elle n’était qu’une parenthèse. Alors qu’on se trouve devant des mois ou des années de changements et de remises en question. Les sociétés du monde entier sont en route pour un long voyage.
Troisième découverte : à part le comité de liturgie de Saint-Albert, très peu de gens, dans nos réseaux, ont essayé d’utiliser l’opportunité offerte pour essayer, profitant de la solitude et du confinement, de rejoindre le fond de notre intériorité. Comme si ces conditions obligées n’étaient pas une chance inattendue de se retrouver en vérité.
Quatrième découverte : la générosité des générations qui nous suivent et rivalisent d’idées. OK, pour les questions de bioéthique, nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde. Mais qui s’est intéressé dans notre entourage aux commentaires de Saint-Albert ? Une jeune fille de 16 ans. Qui a consacré deux ou trois dimanches à visiter un éventail de « seniors » confinés ? Un couple de 50 ans en plein boom professionnel.
Sur le conseil de Gaston, j’oserais reprendre comme Edgar Morin (Mars 2020) et Hubert Reeves (2013) – en me l’adaptant - la célèbre formule d’Hölderlin (vers 1800) :
« Là où croît le péril, peut croître aussi ce qui sauve. »
Le gouvernement dit : « Masquez votre visage » et Jésus dans les évangiles nous rappelle : « Ne masquez pas votre cœur ».