Une théologienne m’a dit un jour que lorsqu’on parlait de l’Église, il fallait distinguer entre le peuple de Dieu qui cherche, ou l’institution hiérarchique, dogmatique et cléricale. Lorsque je lis le texte d’aujourd’hui, je me demande à laquelle Pierre se serait identifié.
« Pour vous, qui suis-je » ?
Cette question simple n’en finit pas d’habiter l’humanité depuis plus de deux millénaires et de défier théologiens et exégètes dans leurs efforts de réconcilier la divinité et l’humanité de Jésus, tout en évitant les bascules hérétiques dans un sens ou dans l’autre.
Mais, qui est-il pour moi ?
La connaissance d’une personne, comme la connaissance de soi, nécessite une période importante d’apprivoisement et une fréquentation assidue. Ainsi, est-il d’abord et avant tout le champion d’une « Parole », source d’inspiration et de sagesse qui fournit des réponses à ma quête de sens. L’approfondissement des textes du Nouveau Testament permet d’établir un dialogue continu avec Jésus, que complète la fréquentation eucharistique dont nous avons été privés pendant plusieurs mois. Mais, il m’aide aussi à créer un espace de silence et de contemplation, tremplin vers le divin, dans lequel baigne la création. J’y vis une sensation de bien-être, telle celle éprouvée quand j’entre dans une forêt où je suis immédiatement enveloppé par la majesté des arbres, l’odeur de la terre imbibée de pluie, et les sons de l’été, le chant des cigales et les conversations codées des oiseaux.
Cette rencontre est très personnelle et peut survenir dans des contextes fort différents, on pense à Pierre et aux Apôtres, aux disciples d’Emmaüs, à la rencontre de Thomas avec le ressuscité, à Marie-Madeleine devant le tombeau vide, au Centurion, à la Cananéenne de dimanche dernier, et à Saul devenu Paul.
En somme, Jésus est ce relais permettant une connexion intime avec l’énergie infinie et créatrice. On touche alors au mystère de la Trinité. « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu. » (Jn 20, 29).
Les clés du Royaume et le pouvoir !
Après la lecture des paroles de Jésus donnant à Pierre le pouvoir de lier et de délier je réagis intérieurement. Pour l'Église nouvelle Jésus donne à Pierre un pouvoir décisionnel, un pouvoir ecclésial.
J'oublie la force intérieure et l'assurance déterminée de Pierre d'affirmer "tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant" Pierre est envahi par la force intérieure qui l'habite.
Sur cette déclaration Jésus lui donne la responsabilité de bâtir son Église et lui donne les pouvoirs de lier et de délier, je trouve cela contrôlant. Je me suis demandé pourquoi Matthieu a écrit cette responsabilité que Jésus donne à Pierre. Cela m'a envoyée voir si Marc et Luc avaient cette phrase de Jésus suite à la déclaration de Pierre.
Mais non. Donc c'est lié à la communauté de Matthieu. Avait-il besoin pour diriger sa nouvelle Église l'assurance d'un pouvoir venant de Jésus pour rassembler sa communauté et quel pouvoir ?
Est-ce que l'autorité ecclésiale de Rome s'appuie sur cette parole de Jésus pour diriger l'Église ?
Jésus donne à Pierre les clés du royaume suite à l'intensité de sa foi pour former une Église nouvelle. Est-ce que ces clés sont des clés de direction apaisante pour vivre en communauté le "Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés" ?
Est-ce que l'intensité de croire, de donner toute sa confiance en Jésus-Christ, donne à chaque personne des clés pour bâtir le Royaume pour agir et vivre en communauté de croyants croyantes ?
Je suis surprise du chemin de ma réflexion que la lecture du texte a suscité.
« Ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux »
et Simon devint Pierre, en qui le Christ donne toute sa confiance.
C’est la confiance en Dieu le Père et de Dieu le Père que le Christ dévoile à Pierre.
Avoir confiance c’est avoir la foi.
Jésus donne à Pierre les clés du royaume des cieux.
Les clés du pouvoir terrestre et céleste qui permettent d’ouvrir ou de fermer, d’accepter ou d’interdire, de lier ou de délier, sur terre comme au ciel.
Chacun a une clé de confiance en Dieu, chacun peut se mettre à la place de Pierre et entrer en relation, face au Christ et à Dieu le Père.
Jésus pierre angulaire du christianisme naissant. Nous tous pierres vivantes…
La pierre angulaire des bâtisseurs de cathédrales, la première qui est posée.
Que de pierres avant d’arriver au sommet où se rejoignent les croisées d’ogives de la nef et du transept ? La dernière pierre sera taillée quand tout sera achevé; alors les maçons placeront au sommet celle qui va renforcer et permettre l’équilibre de tout l’édifice: la clé de voûte.
Du terrestre au spirituel, un long cheminement, de la pierre d’angle, à la clé de voûte, ou clé du couronnement, chacun a une clé pour connaître Jésus.
"Une serrure à ouvrir : « Qui est le Fils de l’homme ? »
Alors, comme quand on ne retrouve la bonne clé, les gens essaient toutes celles du trousseau : « Jean le Baptiste » ? « Élie » ? « Jérémie » ? « L'un des prophètes » ?
Soudain la serrure tourne : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » C’est Simon qui se tient devant la porte ouverte. Comment a-t-il fait ? « Ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. »
Une drôle de phrase, injuste : pourquoi Simon ? Si le « Père » s’en mêle, ce n’est plus du jeu !
Et le passage lui-même apparaît alors comme une nouvelle serrure, à ouvrir : « Qui est le Fils de l’Homme ? »
« Fils de l’Homme », c’est un titre de Jésus.
Mais c’est aussi n’importe quel Homme, puisque tout le monde a des parents qui sont des Hommes, des humains.
Donc le « Fils de l’Homme », ça peut être aussi Simon.
Ce que le texte confirme : Simon est « Fils de l’Homme » parce qu’il est « Simon, fils de Yonas » : Simon « Fils de l’Homme » qu’est Yonas.
Je me retrouve alors avec une serrure bizarre. D’un côté, « le Christ, le Fils du Dieu vivant ». De l’autre, « Simon, fils de Yonas ». En même temps. Comme si, pour entrer dans la révélation du « Christ, le Fils du Dieu vivant », il fallait forcément aussi entrer dans la révélation, toute simple, de « Simon, fils de Yonas ».
Comme si c’était uniquement de cette façon qu’on pouvait passer de la terre aux cieux : en ayant, en même temps, le Fils de l’Homme au sens terrestre et le Fils de l’Homme au sens céleste. En construisant une Église du « Dieu vivant » sur les Pierre (fils de Yonas), Jean-Pierre (fils d’Adèle et d’Hervé), Marie-Pierre (fille de Janine et de Daniel), Simon-Pierre (fils de Xavier et de Xavière), et tant d’autres Pierre (fils de) et de Pierrette (fille de) en ce monde : « et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle ».
À la fin du texte, étrangement, la porte se referme et le secret reste à l’intérieur : « Alors, il ordonna aux disciples de ne dire à personne que c’était lui le Christ. »
À personne parce que cette révélation ne peut pas passer par une proclamation (« C’est lui, le Christ ! Croyez-le ! ») Elle ne peut passer que par le plus secret de chacun.e. C’est en allant à la rencontre de soi-même, et de soi-même inscrit dans son histoire, dans sa généalogie, qu’on peut connaître Jésus. C’est en soi-même se trouvent et la serrure et la clef."
Si je réfléchis à la question : "quelle clef pour connaître Jésus ?" ce qui me vient spontanément à l'esprit, c'est le Royaume de Dieu. Car il m'apparaît que ce qui a motivé l'action de Jésus tout au long des évangiles, ce qui l'a fait sortir, prendre la route, enseigner, guérir, et ultimement donner sa vie, c'est l'annonce de la bonne nouvelle du royaume, ou du règne. Comprendre ce qu'il met sous ce terme est pour moi actuellement la clef pour tenter de mieux connaître ce qui est au cœur du message de Jésus.
On retrouve dans Matthieu pas moins de 11 paraboles sur le royaume "À quoi vais-je comparer le royaume des cieux ?". Tantôt, c'est un lieu, ou peut-être un état, dont on s'approche ou dans lequel on entre. Tantôt, c'est une richesse qu'on peut posséder ou dont on peut hériter. C'est quelque chose de vraiment précieux, et assez mystérieux, que Jésus veut nous faire découvrir. Il ne veut pas que nous passions à côté. J'ai dans l'idée que ça rejoint un désir, une soif qui me tenaille depuis toujours, une clef que j'ai cherchée toute ma vie, et qui pourtant est toute proche, à ma portée.