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Bulletin Étapes : La Rentrée 2006

Écho  d’une expérience  de  dialogue

Le 23 avril dernier, notre assemblée dominicale accueillait un groupe de 35 personnes d’appartenances religieuses diverses et réunies sous le leadership de Monsieur Patrice Brodeur, titulaire de la nouvelle Chaire de recherche du Canada sur l’Islam, le pluralisme et la globalisation, à l’Université de Montréal. À cette occasion, Monsieur Brodeur révélait que c’est dans le cadre de ce programme qu’il mettait sur pied ce groupe de personnes de tous âges et des trois traditions abrahamiques, entre autres, dans le but d’entreprendre un apprentissage du dialogue ici et à Jérusalem. Les quelques lignes suivantes ne rendront pas totalement compte, loin de là, de cette expérience intense et même bouleversante, mais elles auront le mérite de donner la parole à quelques personnes rencontrées là-bas.

D’entrée de jeu, j’avouerais que sans en être tout à fait conscients à chaque instant, nous étions entrés dans une démarche qui offrait une occasion unique de nous faire une idée plus juste d’une réalité si loin de la nôtre. C’est ce que nous avons tenté entre les 4 et 17 juin dernier, au fil de rencontres privilégiées, dont je rendrai compte au moins pour deux d’entre elles.

Dès le début, nous étions attendus à Bethléem, au Centre de Résolution de Conflit et Réconciliation. Madame Dina Awwad, coordonnatrice de projets et Monsieur Noah Salamey, musulman et directeur du centre nous accueillaient. Ce centre interreligieux, dont nous pouvons trouver l’expression de la mission sur Internet, ( http://www.ipctnet.org) anime des ateliers et des séminaires d’éducation à la paix et à la non-violence dans les diverses localités et les camps de réfugiés de la région, notamment celui de Dhaisha, visité par une grande partie de notre groupe.

Noah Salamey se présente d’abord comme un « agent de la paix » et exprime sa satisfaction de savoir que nous sommes venus voir par nous-mêmes, au lieu de nous fier uniquement à une propagande journalistique qui le déçoit. Il est d’avis que cette propagande et une certaine présence occidentale les dominent. Il poursuit en décrivant sa région comme étant un lieu de non-liberté, où les pierres sont devenues plus importantes que les êtres humains. Il rappelle que depuis 1948, douze mille personnes vivent dans les camps ; le reste du territoire étant inégalement distribué par un gouvernement israélien, dont une bonne part de cette communauté israélienne n’approuve pas. Ici, dit-il, il nous faut toujours prouver que nous sommes des êtres humains. À l’intérieur de l’équipe du Centre et en lien avec le Mouvement International de Réconciliation, (le MIR), il travaille sur lui-même en se basant sur des paroles de paix, tirées du Coran. Il confesse y apprendre à ne pas laisser conditionner son attitude par celle de son opposant et affirme trouver ainsi la force de continuer.

Quand, au moment de partir, un membre de notre groupe s’informe s’il y a quelque chose que nous pourrions faire, il répond dans la même veine qu’au début, à savoir que nous répétions ici et au monde ce que nous avons vu et entendu : ils sont des gens pacifiques engagés dans un processus de négociation pour une justice appliquée, c’est-à-dire une « paix juste ». Ce message, nous l’avons entendu souvent, quelle que soit l’identité religieuse des personnes rencontrées.

En effet, vers la fin de notre périple, le Rabbin Jeremy Milgrom est venu nous rencontrer à notre pension luthérienne, à Jérusalem, pour un entretien assez émouvant par sa transparence et son courage. Ce Rabbin progressiste et pacifiste en Israël est fondateur  de « Rabbins pour les droits humains », organisme engagé dans le rapport entre Juifs, Chrétiens et Musulmans. Jeremy Milgrom, devenu pacifiste à la naissance de son premier enfant, n’a plus cessé de se transformer lui-même en travaillant humblement pour une paix juste au Moyen-Orient. Voici simplement quelques passages de son intervention :

« À Jérusalem, nous devrions être plus humbles parmi les chefs religieux. L’opposé est un immense problème. Nos textes sacrés nous préviennent contre l’orgueil et la violence. Tout comme le dit un de mes amis, la dénomination religieuse de l’autre m’importe eu, pourvu qu’elle l’interpelle. Au milieu d’une situation aussi injuste qu’ici, je me sens bien triste et impuissant, car je me souviens du cri d’Abraham à Dieu :« Allez-vous détruire l’innocent avec le méchant ? » Ici, l’État a le monopole de la violence ; quel reniement de notre tradition ! Sur ce chapitre, je me souviens qu’en traversant la Mer Rouge, les juifs devinrent violents. Né de l’Oppression, le peuple juif opprime aussi. Bien que l’État l’utilise, violence et oppression constituent une solution non-juive.

Mon travail est d’aider les gens à prendre conscience de cette contradiction. On ne peut ignorer la longue violation des droits à Bethléem et ailleurs. Nous pensons tellement à nous-mêmes comme victimes que nous en sommes devenus incapables de percevoir et ressentir la souffrance de l’autre. Nous disons : « Cela ne doit plus jamais nous arriver ! » C’est exactement notre problème. Car si nous commencions à penser à l’autre un tant soit peu, nous ne deviendrions pas soldats. Dans cet État, nous sommes au sommet, mais au lieu de cela, nous serions mieux d’être partenaires. Nous reproduisons le colonialisme ici. Comment sortir de ce pattern ? Dans cette perspective, nous comprenons que nous avons à être prudents dans l’interprétation des textes sacrés, Torah, Bible ou Coran, c’est-à-dire à propos de notre attitude envers ceux que nous appelons, les païens. »

Cet humble et audacieux témoignage, Jeremy Milgrom l’a également rendu au Conseil Œcuménique des Églises à Genève, où il a été invité comme intervenant il y a quelques semaines, de même qu’ici à Montréal. Pour de plus amples commentaires, nous pouvons référer aux sites Internet notés plus bas. ( http://www.rebuildingalliance.org/bios/jeremy_milgrom_bio.html) Pour un grand nombre de participants de notre groupe de dialogue, ce fut un privilège de le rencontrer à nouveau au centre Justice et Foi, le 21 août dernier, où il était précisément accueilli par deux d’entre nous, Madame Élisabeth Garant et le Pasteur David Fines. Étant donné que l’assistance nombreuse à cette soirée était composée de personnes de traditions religieuses diverses, cette activité s’est avérée une occasion unique de poursuivre ici, un apprentissage de dialogue grandement mis au défi là-bas.

En expérimentant ce dialogue, parfois déconcertant et pourtant le principal outil de la non-violence active, me viennent à l’esprit ces paroles du regretté Ibrahim Rugova, résistant non violent au Kosovo : « Nous sommes entrés dans la non-violence à cause des contraintes de la situation, pas avec un programme prédéfini. C’est un choix autant qu’une nécessité. »  Les problèmes de l’heure ne nous presseraient-ils pas à en reconnaître la nécessité pour en faire un choix spirituel et social ?
Cette question était déjà présente à la naissance de notre projet et continue de nous préoccuper.       

                                                                      Pauline Boilard, m.i.c.
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