Bulletin Étapes : La Rentrée 2006

À pied, sac au dos, cœur léger…

C’est en pleine canicule, à 32°C, que j’ai entamé à pied le Chemin des sanctuaires de l’Oratoire Saint-Joseph à Sainte-Anne-de-Beaupré, soit près de 380 km. Partie le 17 juillet en compagnie de Brigitte de Montréal (enseignante de français aux immigrants au collégial, 48 ans), de Jean (arpenteur-géomètre retraité, 60 ans) et Yves (représentant de commerce retraité, 65 ans) tous deux de Québec, nous avions fait brièvement connaissance le 7 juin lors d’une rencontre d’information organisée par Pèlerinage Québec 2000. Le point qui nous avait réunis : le choix commun de la date de départ.

Nous avons mis 18 jours de marche, passant de Montréal à Longueuil, Varennes, Verchères, Saint-Ours, Massueville, Saint-François-du-Lac, Baie-du-Febvre. À Nicolet, pour rejoindre la Rive-Nord, nous avons été transportés en voiture pour franchir le pont Laviolette interdit aux piétons. Puis nous avons poursuivi la route à pied passant par Trois-Rivières, Cap-de-la-Madeleine, Champlain, Sainte-Anne-de-la-Pérade, Saint-Alban, Notre-Dame-de-Portneuf, Pont-Rouge, Saint-Augustin-de-Desmaures, Québec, Château-Richer pour enfin arriver à Sainte-Anne-de-Beaupré le 3 août.

Le défi était de taille puisque pour chacun c’était la première longue randonnée pédestre. Nous nous étions préparés physiquement avec plus ou moins de constance, mais nous étions bien décidés à atteindre le but.  Et une merveilleuse chimie s’est opérée.  L’équipe s’est avérée dynamique, joyeuse et bienfaisante pour tous. Faire face ensemble à la chaleur humide accablante (environ 3 heures de pluie) aux moustiques, aux ampoules, partager des gîtes allant de la maison privée,
au centre communautaire, à l’institution religieuse, à la résidence d’aînés ou d’handicapés, au garage municipal, et donc à des accommodements divers, effectuer sa lessive à la main ou au lave-linge tous les jours n’ayant qu’un rechange pour alléger le poids, cela met le caractère à l’épreuve et à nu.

Mais découvrir l’accueil chaleureux des gens rencontrés tout au long de la route - tant nos hôtes que des inconnus - leur fraternité, leur hospitalité, leur générosité, réconcilie avec les humains trop souvent perçus sous un jour négatif ou belliqueux.  Et faire des rencontres imprévues de vieilles connaissances ravivent de bons souvenirs… Et que dire des aubes superbes se profilant à notre lever (4 heures), des aurores flamboyantes à notre départ (5 h 30 min - 6 h) accouchant d’un soleil déjà chaud…   Et de la beauté des campagnes verdoyantes et fleuries, des maisons anciennes si bien conservées, et de la propreté partout, à faire pâlir d’envie le maire Gérald Tremblay… Les paysages du Québec sont un ravissement pour qui les regarde en marchant parce qu’il peut en apprécier tout le charme, à lenteur et à hauteur humaines.

Ce Chemin des sanctuaires fut pour chacun de nous l’occasion d’approfondir ses connaissances, d’échanger des services, de témoigner sa solidarité et son grand respect de l’autre.   La marche, par sa lenteur et sa proximité avec la terre et les humains, par ses longs moments de silence et de solitude avec soi, par sa liberté et son dépouillement, par ses moments de souffrance et de remises en question, permet d’appréhender dans un contexte différent la dimension profonde de la vie et de décanter ses valeurs.   Elle situe l’humain face à lui-même et au monde, et relativise ses préoccupations quotidiennes, sa course effrénée vers l’avoir, oublieux de la primauté de l’être.

Pour clore cette longue marche, une cérémonie émouvante nous attendait à la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré: un accueil personnalisé devant tous les visiteurs pèlerins et la remise officielle d’une attestation du parcours du Chemin lors du mémorial de l’Eucharistie à 11 h 30 min.  Nous avons été invités à déposer au pied de l’autel nos sacs à dos, nos bâtons de marche et autre attirail. J’y ai placé aussi le cœur de toutes les personnes incluses dans mon sac à dos avant et pendant ma randonnée, demandant au Seigneur une protection spéciale pour chacune.  Et après cette célébration, chaque membre de l’équipe, avec beaucoup d’émotion et de joie, s’est embrassé et remercié de sa contribution à la réussite cette expérience unique et inoubliable espérant, pour au moins deux d’entre eux, se revoir à Compostelle l’an prochain.

                                                                                                               Marie Barrette