L'impact de l’État d’Israël sur le dialogue
actuel entre juifs et chrétiens
Les chrétiens ont des positions très différentes,
voire parfois diamétralement opposées, sur l’État
d’Israël et sur le conflit au Proche-Orient. Dans les cercles évangéliques,
la représentation qu’on s’en fait est
construite
et renforcée en grande partie par un déluge de publications
produites par des fondamentalistes chrétiens, principalement
américains.
Ces auteurs combinent des prophéties bibliques et des événements
politiques actuels qu’ils interprètent comme l’accomplissement,
sous nos yeux, des anciennes promesses de Dieu. Ils demandent à leurs Églises
et à leurs gouvernements de supporter inconditionnellement l’État
d’Israël et ses politiques, parce qu’ils sont convaincus
que c’est seulement de cette façon que le plan de Dieu
se réalisera et que le second avènement de Jésus
pourra se produire dans un proche avenir. Leurs alliés naturels
dans l’État d’Israël sont les colons juifs
de Cisjordanie et les ultranationalistes. Ils sont souvent islamophobes
et considèrent
l’Islam comme le mal apocalyptique des derniers temps. Ils voient
souvent les Juifs messianiques, qui croient en Jésus, comme
l’anticipation de ce qui va
arriver bientôt à tous les Juifs.
À l’autre extrémité du faisceau
religieux et politique des Églises, le modèle « eschatologique » est
fondamentalement récusé. Le principe qui sert de guide
ici est celui de l’« Israël biblique » comme « modèle » ou « notion » pouvant
s’appliquer à tous les pauvres et les opprimés du
monde. Ceux qui partagent cette conviction sont plus enclins à écouter
les voix des Chrétiens palestiniens, qui se sentent opprimés
par l’occupant israélien. Ils supportent la demande qu’Israël évacue
immédiatement tous les territoires occupés et appuient
le projet d’établir un État palestinien indépendant.
Ces différences de points de vue entre Chrétiens, qui reposent
sur des modèles de référence opposés, paraissent
totalement irréconciliables.
[…] Les colons religieux de Cisjordanie, les militants
islamistes et les Chrétiens sionistes entendent tous, chacun à sa
manière, les pas du Messie qui s’avance, ou l’approche
du Royaume de Dieu, ou l’imminence du Jugement Dernier. Et ils
veulent tous, souvent par le recours à la violence, hâter
la venue du Messie et préparer l’avenir messianique tel
qu’ils le conçoivent. […] Ne pourrions-nous pas mettre
de côté toutes nos idées messianiques lorsque nous
définissons nos points de vue politiques, de manière à éviter
le danger de la fièvre messianique? Quelle pourrait être
la contribution des Églises et des croyants? Comment des voix
pacifiques pourraient-elles se faire entendre, au milieu des nombreuses
voix qui prêchent la haine religieuse et la violence motivée
par la religion?
Il faut poser cette question tragique : Le Proche-Orient
entier va-t-il se faire sauter avec des armes de destruction massive?
Ou, selon la formule de Bernard Lewis, « Les Juifs et les
Palestiniens parviendront-ils à abandonner la rancœur et
la victimisation, à résoudre leurs problèmes et à mettre
en commun leurs talents, leurs énergies et leurs ressources dans
un projet créateur ? » Cela ne serait-il qu’un
autre rêve messianique irréaliste?