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3e Dimanche de Pâques (A)

30 avril 2017

Actes des Apôtres 2, 14. 22-24. 32-33

Luc 24, 13-35

Reste avec nous

Yvon D. Gélinas

 

Deux hommes en marche sur la route qui va vers Emmaüs. Deux disciples de Jésus qui quittent Jérusalem. Ils rentrent à la maison après s’être embarqués un temps dans une exaltante aventure. Ils parlaient ensemble de tout ce qui s’était passé. De tout ce qui s’était passé et qu’ils avaient vécu. Les jours où ils avaient entendu sa parole, avaient vu comment il se comportait au milieu du peuple et pour le peuple. Ces jours où leurs cœurs avaient été saisis et éveillés, où ils avaient cru en lui, où était monté en eux une espérance neuve, provocante, vivifiante. Ils parlaient de tout. De ce jour où il avait été condamné, crucifié, où il était mort. Ce jour où la foi – leur foi – n’avait pas résisté à l’épreuve. Ce jour où leur espérance s’était éteinte. Ils parlaient ensemble, comme retenus de faire face à ce qui leur semblait une trop dure réalité : il n’était plus là, ne serait jamais plus là. Il était mort depuis trois jours déjà. Ils parlaient ensemble, le cœur lourd, déçus, trompés. Tout n’avait donc été qu’une aventure, et il n’y avait plus devant eux qu’un soir qui approche, une nuit sans lumière.       

           

Et, tout à coup, il est là. Comme toujours il prend l’initiative avec cette discrétion qui n’est que de lui. Il marche avec eux sans se faire reconnaître : il y a encore une partie du chemin que les deux hommes doivent marcher comme s’ils étaient seuls. Il les écoute : il faut les entendre au plus dur de leur peine et de leur déception – presque de leur désespérance -; il faut qu’ils disent. D’abord cette foi fragile, mal éclairée qu’ils avaient en lui : C’était un prophète puissant. Puis leur espérance, mal orientée aussi : Il serait le libérateur d’Israël. Et ce désir qui ne peut s’éteindre d’une vie au-delà de la mort : Des femmes sont allées au tombeau et n’ont pas trouvé son corps. Il écoute, puis il parle. Pour les sortir de leur monde aux possibles trop finis, trop étroitement fixés. Il leur dit l’Écriture qu’ils croyaient connaître et n’avaient pas comprise. La foi, inquiète, alertée, troublée, s’éveille à nouveau, et l’espérance qu’ils osent à peine risquer : Reste avec nous… Comme une confession d’accueil, un désir d’hospitalité pour celui qui est encore un étranger, mais qui sait rendre le cœur brûlant. Reste avec nous. Allons jusqu’au bout, risquons encore. Tout, même un instant d’aventure peut-être sans issue, plutôt que ce jour qui baisse, ce soir qui ne peut que livrer à la nuit. Et là, à table, dans la convivialité d’un repas à une halte sur la route : Il prend le pain, le bénit, le rompt et le leur donne. Le soir approche, le jour baisse, mais plus de crainte, plus d’absence : ils le reconnaissent. 

           

Ce récit de la marche vers Emmaüs est un récit pour dire qu’il est ressuscité, que toujours il est vivant, qu’il prend encore l’initiative, qu’avec lui la nuit n’est plus la fin de tout. En plus de tout cela, c’est un récit qui dit qu’il est possible de croire sans tout voir et tout comprendre. Un récit qui dit comment reconnaître la présence quand on ne semble vivre que l’absence. Il est vivant. Vivant et agissant, faisant route avec ceux et celles qui pensent ne plus pouvoir croire, ne plus pouvoir espérer. Il est vivant, tout proche, quand la mémoire de sa parole rend le cœur brûlant et relance la vie. nous dit comment comprendre l’Écriture. Il est vivant – présent – dans le pain rompu et partagé ensemble, en fraternelle communion. Il est vivant et présent à notre désir – si faible et fragile soit-il – de croire, et tout au long de ce chemin qui nous conduit à le reconnaître tel qu’il est, pour nous, pour tous, jusqu’à la foi qui devient appui et source de vie, ouverture à la plénitude de vie.

           

Ce qu’ont connu les disciples en chemin vers Emmaüs, c’est notre expérience ecclésiale quand, ensemble, réunis en son nom, nous faisons Eucharistie et le reconnaissons dans le pain rompu et partagé, signe de sa vie à lui qu’il nous partage. Le pain qui nous invite à poursuivre sa mission : écouter, rassembler, rompre et partager entre nous et pour tous le pain et la parole. 

           

La marche des disciples vers Emmaüs, de leur rencontre avec le Christ vivant, c’est aussi notre marche à nous, notre expérience à nous, croyants et croyantes. Sur le chemin de notre vie, il y a des moments où tout semble ne conduire qu’à un soir voué à l’obscurité et à la ténèbre. Les épreuves, les coups durs, que tous nous connaissons, nous laissent parfois déçus, comme abandonnés à nous-mêmes, seuls. La foi chancelle : nous serions-nous trompés? Ne sommes-nous pas que des êtres pour la mort? L’espérance est alors blessée : n’était-ce qu’un rêve, un mirage, ce désir de vie en plénitude? Gardons alors, au creux de la détresse, la mémoire de ce récit. Il est là le Seigneur, semblant marcher derrière nous, semblant passer pour aller plus loin, ailleurs. Mais il prend toujours l’initiative; il nous rejoint et longuement nous écoute dans notre prière pressante : Reste avec nous. Alors il se fait reconnaître, il nous conduit au rassemblement où l’on entend la Parole et partage le pain. La foi, parfois très lentement, s’éveille, et l’espérance retrouve ses droits. La marche vers Emmaüs est pour tous, la marche vers un lieu où l’on rencontre le Christ vivant, où l’on annonce le Christ vivant.       

           

Reste avec nous; et mieux encore : Que nous restions avec toi, car sur le chemin de nos vies, le jour menace toujours de baisser.   

 

 

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal